« Je crois vraiment que la stratégie ESG est la responsabilité de tous … J’en suis peut-être la championne, mais c’est la responsabilité de tous. Nous avons intégré les objectifs ESG aux tableaux de bord des dirigeants … Et quand nous l’avons fait, la performance ESG a été directement liée à la façon dont ils peuvent contribuer à ce parcours. »
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En cette période d’incertitude renouvelée et d’attentes croissantes en matière de performance environnementale, sociale et de gouvernance (ESG), les dirigeants doivent prendre des mesures audacieuses pour positionner leurs organisations sur la voie d’une croissance à long terme. Mais qu’est-ce que cela implique pour les organisations canadiennes qui déterminent leur propre approche de l’impératif ESG?
Dans le deuxième épisode de la série balado « CEO Viewpoints », Shelley Gilberg s’entretient avec Rania Llewellyn, présidente et chef de la direction de la Banque Laurentienne du Canada, pour discuter du parcours ESG de son organisation. Rania et Shelley explorent l’importance d’ancrer la stratégie ESG dans la mission et les valeurs d’une organisation, ainsi que le rôle essentiel de la confiance et de la transparence pour naviguer dans un paysage commercial de plus en plus complexe. Rania évoque également son propre parcours professionnel, notamment comment elle est devenue la première femme à diriger une grande banque à charte canadienne.
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Shelley : Bienvenue à la série balado « CEO Viewpoints » de PwC Canada, dans laquelle nous discutons des thèmes clés de notre 25e Enquête annuelle auprès des chefs de direction canadiens avec des dirigeants d’entreprises canadiennes de premier plan. Dans notre dernier épisode, nous avons parlé de la façon dont les facteurs environnement, société et gouvernance, connus sous le nom d’ESG, se sont hissés au sommet des priorités des chefs de direction. Aujourd’hui, nous poursuivons cette discussion avec une nouvelle invitée. Je m’appelle Shelley Gilberg, et je serai votre animatrice pour cet épisode. Je suis associée chez PwC Canada et je dirige nos marchés ESG. Merci beaucoup de vous joindre à nous aujourd’hui. Nous avons avec nous une invitée avec laquelle j’ai personnellement très envie de passer un peu de temps. Il s’agit de Rania Llewellyn, présidente et chef de la direction de la Banque Laurentienne. Elle va nous parler de son parcours, de la stratégie et de la transformation ESG, et de ses réflexions sur le rôle de la confiance et du leadership dans tout cela. Bienvenue, Rania. Je suis ravie de vous accueillir parmi nous. Votre parcours est unique et intéressant à plus d’un titre, et j’ai quelques questions à vous poser à ce sujet. Je pense que nos auditeurs aimeraient en savoir plus sur la façon dont vous êtes devenue la première femme à diriger une grande banque à charte canadienne en 2020. Et j’ai été tellement impressionnée par vos nominations. J’aimerais, comme nos auditeurs, je pense, en savoir plus sur ce parcours.
Rania : Merci, Shelley, de me recevoir aujourd’hui. Alors oui, pour ce qui est de savoir comment j’en suis arrivée là, eh bien, ça a été tout un parcours, mais pour commencer, quelques éléments clés de mon histoire personnelle. Je suis née au Koweït d’un père égyptien et d’une mère jordanienne, j’y ai vécu pendant 11 ans, puis nous avons déménagé. Nous avons eu la chance de quitter le Koweït avant la guerre du Golfe et de nous installer au Caire, en Égypte. Et j’ai terminé mes études secondaires là-bas. J’ai en fait terminé le secondaire à l’âge de 14 ans. J’ai toujours voulu être médecin et à l’époque, la seule université privée était l’université américaine du Caire. Comme j’avais étudié en anglais, mon père m’a dit, tu sais, tu devrais probablement aller à cette école. Mais cette université n’avait pas de faculté de médecine. Alors quand j’y suis entrée, je me suis dit, quelles sont les deux professions les plus difficiles? À l’époque, c’était les TI et le commerce, et comme je ne connaissais rien à la technologie, j’ai opté pour le commerce. J’ai donc terminé mes deux premières années là-bas. Et puis, pour être honnête, quand les troubles ont recommencé au Moyen-Orient, notre famille a décidé d’émigrer. Nous sommes arrivés le 22 août 1998, il y a 30 ans, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Je me suis retrouvée à l’Université Saint Mary’s, où j’ai terminé mon premier cycle universitaire et obtenu un baccalauréat en commerce spécialisé en marketing et en finances. Toute heureuse d’avoir mon diplôme en main, comme beaucoup d’immigrants, je n’ai pas pu trouver un emploi. Mon nom n’était pas Llewellyn à l’époque. Comme vous pouvez le voir ou l’entendre, je n’ai pas vraiment d’accent. Il s’agissait juste de me faire ouvrir une porte. C’est difficile quand vous envoyez une candidature sur papier. Je me suis donc retrouvée chez Tim Hortons avec mon baccalauréat et j’ai décidé de retourner faire mon MBA, parce que c’est ce que font les immigrants, retourner aux études pour obtenir un autre diplôme. J’ai eu la chance que mon père ait une entreprise et que son directeur des comptes commerciaux à la Banque Scotia m’ait rencontrée et m’ait dit : « Pourquoi ne viendriez-vous pas travailler chez nous? » J’ai répondu : « Mais je n’arrête pas de postuler. Vous ne me rappelez jamais! ». Et c’est ainsi que j’ai obtenu mon premier emploi de caissière là-bas. Je suis quand même retournée faire mon MBA. Voilà pour ma première incursion dans le monde bancaire. Mais une fois de plus, alors que je m’apprêtais à obtenir mon MBA, je n’arrivais toujours pas à décrocher un emploi, même à la Banque Scotia. Mais lors de ma cérémonie d’assermentation avec ma famille en tant que nouvelle citoyenne canadienne, il y avait un invité spécial parmi nous ce jour-là et c’était le premier vice-président de la Banque Scotia pour la région Atlantique. Ma mère m’a encouragée à me présenter à lui et à lui demander un emploi. J’ai dit : « Maman, ce n’est pas vraiment l’endroit pour demander un emploi ». Elle a répondu : « Fais-le ». Elle fait à peine 1 mètre 60, mais c’est une femme forte. Bref, je suis allée le voir et je lui ai dit : « M. Keith, je travaille pour vous. Vous ne savez pas qui je suis ». Je me suis présentée et je l’ai invité à notre réception à l’Université St. Mary’s; c’était une réception vin et fromage. Je ne savais pas qu’il siégeait au conseil d’administration. Je l’ai rencontré à la réception et je lui ai dit : « M. Keith, je suis née au Koweït, je suis mi-égyptienne, mi-jordanienne, j’ai vécu en Égypte, je suis venue au Canada, la Banque Scotia est la banque la plus internationale du Canada. C’est la seule banque pour laquelle je veux travailler ». Il a dit :« Parlez-vous espagnol? ». Et j’ai répondu : « Je parlerai la langue que vous voulez tant que vous payez pour ça. Bref, j’ai fini par l’appeler dix jours plus tard et quand son assistante, Zara, a noté mon nom, elle a dit : « Vous êtes la nouvelle Canadienne! ». Et je me suis dit : « J’ai fait une impression! ». Et c’est grâce à cette rencontre de dix minutes que j’ai eue avec M. Keith, que j’ai cessé d’être caissière un samedi, et que j’ai obtenu ma première chance comme directrice de comptes commerciaux en formation le lundi. Et donc la morale de l’histoire, c’est, et je le dis à mes enfants, si on ne demande pas, on n’obtient rien. Quelle est la pire chose qui puisse arriver? C’était donc mon premier pas dans le secteur bancaire. Puis je me suis détournée de la banque commerciale. J’ai fait un autre pas, j’ai déménagé à Toronto parce que je me suis dit, vous savez quoi, il n’y a rien de tel que les sièges sociaux à Toronto. Je n’avais pas vraiment d’emploi. J’ai accepté un poste hétéroclite. Et puis j’ai intégré les services bancaires aux entreprises et j’y suis restée pendant sept ans. Et donc j’ai toujours pris des chemins qui n’étaient pas vraiment bien tracés. J’ai levé la main pour un projet spécial et j’ai fini par créer mon propre poste de vice-présidente des services bancaires multiculturels. C’était en fait un détachement de sept mois. J’étais l’une des quatre membres de cette équipe, et je n’avais aucune idée que je créais mon poste. Il s’agissait de lancer un nouveau service destiné aux nouveaux arrivants au Canada, ce qui me tenait à cœur. J’ai donc fait ça pendant trois ou quatre ans, et puis j’ai encore levé la main et j’ai dit que j’étais prête à bouger. Je suis devenue présidente-directrice générale d’une filiale de la banque dont personne ne connaissait vraiment l’existence, Roynat Capital. J’y ai passé 26 ans de ma carrière, et Shelley, je pense que c’est là que je me suis formée pour mon poste actuel. J’ai eu des rôles très différents. Le dernier poste que j’ai occupé était celui de responsable des paiements, une activité qui relevait de la technologie et des opérations de produits. Je n’ai donc pas suivi un parcours de développement vertical. Et le fait d’être immigrée, d’être une femme, d’être jeune, me rendait différente. Et donc quand cette opportunité s’est présentée, je n’ai pas pu pas dire non. C’était une occasion de me transformer. Il s’agissait de siéger au sommet. Oui, j’ai l’impression de m’être formée pour ce rôle, mais c’est de ce parcours personnel que je parle habituellement, parce que je pense qu’au cœur de tout cela, il s’agit de prendre des risques, d’être courageux et ne pas accepter de se fondre dans un moule. Je dis toujours aux gens : pourquoi s’adapter quand on peut se démarquer?
Shelley : J’adore cette histoire, qui montre non seulement à quel point votre parcours est incroyable, mais aussi que parfois on doit suivre son propre chemin, et qu’il n’y a pas forcément de méthode standard pour arriver là où on veut être ou même pour savoir ce qu’on veut être. Et peut-être pourrions-nous creuser un peu ce thème, parce que l’une des autres choses qui m’intriguent, et je soupçonne que nos auditeurs aussi, c’est ce profil d’avant-gardiste et cette nécessité de tracer votre propre chemin, qui transparaît de différentes façons dans votre histoire. Vous avez été l’une des premières cheffes de direction à assumer personnellement la responsabilité de l’ESG au sein de la banque. Et je sais que vous êtes très passionnée par ce sujet. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les raisons pour lesquelles vous pensiez que c’était si important? Ce n’était pas courant à l’époque. Et quelles sont les valeurs qui vous guident, à la banque?
Rania : Je pense que c’est à cause de mes origines. Le fait est qu’une femme immigrée, c’est un peu la marginale de service. Comment créer un milieu de travail équitable? Donc c’était vraiment au cœur de ce que j’étais. Et j’ai en quelque sorte toujours défendu ces enjeux, notamment à la Scotia, où j’étais à la tête du Réseau des employés noirs (Black Employee Network), et où j’ai aussi dirigé les activités EDI (équité, diversité et inclusion) au sein des marchés financiers. C’était donc une occasion de bâtir la banque pour laquelle j’ai toujours voulu travailler. Nous embauchons beaucoup de nouveaux arrivants au Canada. Nous avons beaucoup de diversité à la Banque Laurentienne. Et quand on regarde l’histoire de la banque, il y a 176 ans, c’était la banque qui servait les personnes mal desservies. C’était donc tout naturel. Nous avons donc commencé par notre série « Courageous Conversations ». Nous avons commencé avec un certain nombre de groupes de ressources pour les employés. Et c’est à partir de là que notre parcours ESG a démarré. Puis nous sommes passés à l’analyse des données, à l’examen du facteur E et du facteur G. Mais cela correspondait à ce que je suis en tant que personne. Et je crois en l’authenticité. Authentique en tant qu’organisation dans notre énoncé de mission. Authentique en tant que dirigeante individuelle. Il était donc très important pour moi d’envisager la transformation ESG sous cet angle, tout en veillant à ce qu’il ne s’agisse pas d’un projet isolé. C’est en fait intégré dans tout ce que nous faisons. C’est notre façon de faire des affaires. C’est notre façon de nous conduire. C’est notre façon de recruter. C’est notre façon d’interagir avec nos fournisseurs, notre façon de concevoir nos produits, notre façon de livrer nos produits. Donc c’était vraiment, vraiment important pour moi aussi.
Shelley : Peut-être que si nous allons un peu plus loin, comment avez-vous décidé des priorités après avoir examiné le facteur S? Et où en est la banque maintenant?
Rania : Bien. C’est comme si on révisait une stratégie. Et la chance, c’est que lorsque je suis arrivée, c’était en tant que nouvelle présidente et chef de la direction. J’ai mis en place une toute nouvelle équipe de direction. Nous avons passé en revue toutes nos opérations en même temps. Nous avons dû rédiger notre énoncé de mission, qui se lit à peu près comme suit : « Nous croyons que nous pouvons changer l’expérience bancaire pour le mieux en voyant au-delà des chiffres ». L’un des principaux piliers de notre stratégie est « opter pour le meilleur choix ». L’une de nos valeurs fondamentales consiste à agir avec courage et à nous assurer de créer un environnement où chacun a sa place. Les enjeux ESG font donc partie intégrante de tout ce que nous faisons. Je dis toujours qu’on ne peut pas gravir la montagne d’un seul coup. On doit faire un pas après l’autre tout en visant cette étoile polaire de là où on veut aller. Et je pense que c’était ça qui était vraiment important. Ça a commencé avec l’énoncé de mission pour galvaniser et rassembler nos employés. Donc, pour le facteur S, nous avons eu le sentiment d’avoir réussi. Nous avons ensuite commencé à nous intéresser au facteur E. Nous avons engagé un nouveau responsable ESG. Nous avons commencé à élaborer la feuille de route de notre groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC). Nous avons commencé par nous demander où nous en étions. Il faut d’abord examiner la situation actuelle. Nous avons commencé à mobiliser les parties prenantes à l’interne : nos employés, notre conseil d’administration, nos actionnaires, nos fournisseurs. Et ensuite on commence à construire cette feuille de route. Mais en étant encore une fois très concentrés sur là où on veut miser, là où on veut aller. Nous avons lancé notre tout premier rapport ESG, dans lequel nous avons divulgué nos émissions de GES de portée 1. Nous avons adhéré au PCAF. Puis nous avons commencé à inviter tous nos employés à participer à la conversation et à nous faire part de ce qui est important pour eux. Nos employés sont comme toutes les autres parties prenantes. Nous pouvions donc commencer à esquisser cette carte thermique et à aborder la complexité du processus, en examinant nos obligations réglementaires. Nous avions accompli beaucoup de choses à la Banque Laurentienne, mais nous ne les avions pas divulguées. Du point de vue des actionnaires, la divulgation est absolument essentielle à la transparence, que ce soit sur les enjeux E ou S. Et au chapitre de la gouvernance, nous avons commencé à élaborer des politiques ESG au sein de notre conseil d’administration et de nos équipes de coaching des cadres. Nous avons commencé par définir des paramètres pour répondre aux questions « Quelle est notre situation actuelle? » et « Où voulons-nous aller? ». Et oui, il y a beaucoup de directions différentes qu’on peut prendre, mais on doit être vraiment clair sur le fait qu’il s’agit d’un programme pluriannuel. Il ne s’agit pas d’un programme unique et définitif. Il faut donc réfléchir beaucoup et de manière stratégique, car nous sommes une petite organisation avec des ressources limitées. Alors comment pouvons-nous élargir notre influence? Et il faut être capable de mesurer cette influence, du point de vue de l’environnement, de la vie des employés, de nos actionnaires. Je dis toujours aux gens : « Commencez petit, à partir de votre situation actuelle, élaborez une feuille de route qui entre en résonance avec ce que vous tentez d’accomplir et non pas ce que tout le monde essaie d’accomplir ». Voilà! Et puis, assurez-vous d’atteindre vos objectifs, de rendre compte de vos résultats et de les mesurer par rapport à vos objectifs.
Shelley : Vous avez dit deux choses. D’abord, vous avez parlé en quelque sorte de la mission. Vous avez parlé de l’importance de la transparence. Comment les valeurs et la confiance entrent en jeu dans la façon dont vous tricotez tout ça ensemble?
Rania : Je dis toujours aux gens que la confiance se gagne au fil du temps et qu’elle se gagne par des actions qui respectent vos engagements, et qu’elle peut être brisée en une seule interaction. Intégrer une institution en tant que nouvelle présidente et chef de la direction en est un exemple. Personne ne me connaissait, je ne connaissais personne, et j’arrivais au milieu d’une transformation, au milieu d’une pandémie. Il était absolument essentiel d’instaurer la confiance avec les employés. Et cela commence par une communication à double sens et une communication transparente. Et puis, quoi que vous disiez, vous devez le faire. Malgré la transformation, nous avons connu une rotation d’un tiers de notre personnel, élaboré une nouvelle stratégie, une nouvelle vision. Mais ce que nous avons fait, c’est que nous avons lancé un sondage auprès des employés presque un an après le début de cette transformation pour voir à quoi ressemblait le score d’engagement des employés. Et pour être honnête, j’ai été agréablement surprise. La confiance envers la direction était à un niveau exceptionnel de 89 %. Quand on voit ça, on se rend compte que le niveau de communication et le niveau de transparence sont en résonance avec le niveau d’engagement que nous obtenons de nos employés. Et c’est ainsi que nous avons, pour être honnête, utilisé la même méthodologie pour nos parties prenantes, qu’il s’agisse de nos actionnaires ou de notre communauté d’analystes. Donc, chaque trimestre, nous présentons un rapport à la communauté des analystes et des actionnaires, et nous avons très clairement défini nos indicateurs clés de performance (ICP). Nous n’avions pas à le faire. C’est donc un effort qui dépasse nos objectifs financiers. Ainsi, par exemple, dans nos ICP, nous parlons du taux d’engagement des employés que nous visons pour l’année prochaine et pour les trois années à venir. Nous avons un ICP pour la rotation du personnel et il est donc vraiment, vraiment important de mobiliser les employés. Mais comme je le dis toujours, ne demandez pas aux gens ce qu’ils pensent si vous ne comptez pas agir en conséquence. C’est là que la confiance est brisée. Et c’est pourquoi sur le front ESG, nous avons commencé par éduquer. Nous avons un nouveau leader pour l’ESG et nous avons mis au point ensemble une sorte de présentation ESG. Nous avons commencé par relier nos objectifs ESG à notre stratégie, à nos piliers, à nos valeurs. Je crois vraiment que la stratégie ESG est la responsabilité de tous. Ce n’est pas seulement ma responsabilité. J’en suis peut-être la promotrice, mais c’est la responsabilité de tous. Nous avons intégré les objectifs ESG aux tableaux de bord des employés, pour que je puisse en tenir mes cadres responsables. Et quand nous l’avons fait, la performance ESG a été directement liée à la façon dont les employés peuvent contribuer à ce parcours. Il ne s’agit donc pas d’un paramètre générique. Pour notre personnel commercial, ça se traduit par : « Comment allez-vous personnellement proposer de nouveaux produits ou services, ou aider vos clients dans leur démarche ESG? » Je pense que c’est ainsi qu’on construit la confiance. Il faut que ce soit transparent. Et vous savez quoi, même dans les ICP que nous commençons à montrer dans nos derniers résultats trimestriels, il y a un peu de jaune. Et donc quand les gens me disent, mais c’est jaune, je réponds, « Eh bien, ça fait partie de la transparence ». Nous avons appliqué ce principe dans notre rapport ESG. Nous savons donc où nous en sommes dans le processus. Nous savons où nous devons aller. Et nous savons où sont nos lacunes. Et je pense que c’est vraiment important pour établir la confiance avec toutes vos parties prenantes.
Shelley : L’une des statistiques intéressantes que nous avons vues dans l’enquête auprès des chefs de direction, c’est que 60 % des chefs de direction canadiens sont préoccupés par l’attraction et la rétention des talents, qu’ils classent comme une très haute priorité. Les données montrent que jusqu’à 34 % de la main-d’œuvre, quelle que soit la tranche d’âge, envisage de changer d’employeur en fonction des valeurs d’entreprise. Quelles sont vos observations d’après votre expérience à la Banque Laurentienne? Les valeurs font-elles une différence dans l’attraction et la rétention des meilleurs talents et dans la motivation des employés?
Rania : Je pense que la pandémie a vraiment poussé les gens à prendre du recul, à valoriser et à réévaluer leur vie professionnelle. Et je déteste utiliser le mot équilibre. Mais ne serait-ce que sur le plan de la mission, comment mes valeurs s’alignent-elles avec celles de mon organisation? Et cela a entraîné une forte rotation du personnel, ainsi que des gens qui reconsidèrent l’identité de leur employeur. Et donc, du point de vue du timing, ça a parfaitement fonctionné pour nous, puisque nous venions de lancer notre nouvel énoncé de mission, nos nouvelles valeurs fondamentales. Et donc je dirais que, malgré la concurrence féroce, nous avons été en mesure d’attirer beaucoup de talents l’année dernière. Et je le sais parce que je l’entends de la bouche de nos employés. Nous venons d’organiser deux événements d’appréciation des employés, et ils disent que cet énoncé de mission a une véritable résonance pour eux. Et, pour être honnête, le fait d’être la première femme à diriger cette organisation a une résonance pour beaucoup de femmes, beaucoup de personnes marginalisées, beaucoup d’immigrants. Il s’agit donc d’intégrer vos valeurs fondamentales à tout ce que vous faites et de vous assurer que les employés considèrent ces valeurs comme une des raisons absolument essentielles pour lesquelles ils restent. Mais l’autre chose que nous avons faite, Shelley, c’est que, comme vous le savez, la pandémie est, je ne dirais pas qu’elle est déjà dans notre rétroviseur, mais les affaires reprennent. Et donc, nous avons été l’une des rares organisations qui, tout au long de la pandémie, n’a pas imposé les vaccins. En fait, nous encourageons les gens à se faire vacciner, et nous montrons l’exemple. Nous les encourageons en leur présentant les faits, mais en fin de compte, c’est un choix personnel. Nous devions nous assurer de la sécurité de nos employés et de nos clients, en particulier de ceux qui se rendent dans les succursales tous les jours. Pas une seule fois pendant la pandémie, nous n’avons exigé de nos employés qu’ils reviennent travailler dans nos bureaux. Conformément à notre nouvelle stratégie et à notre stratégie pour l’avenir du travail, nous avons envoyé un sondage à nos employés et ils nous ont dit qu’ils ne voulaient pas revenir travailler en présentiel à temps plein. Nous les avons donc écoutés. Compte tenu des résultats du sondage, nous nous sommes délestés de 50 % de nos biens immobiliers, ceux de notre siège social, ce qui est une bonne chose pour nos employés, mais aussi d’un point de vue environnemental. Nous nous sommes donc débarrassés de cette empreinte immobilière, ce qui signifie aussi que nos employés ne feront pas la navette entre leur domicile et leur lieu de travail tous les jours, et donc que nous contribuons à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces employés ont plus de temps à passer avec leurs enfants, leurs personnes âgées et leur famille, et à consacrer à leur vie personnelle. En fait, cette différence nous a aidés à recruter, mais elle fait partie intégrante de nos valeurs fondamentales. Et tandis que nous essayons de réimaginer l’avenir de notre empreinte immobilière, nous nous sommes engagés dans des groupes de discussion avec un tiers de nos employés. Et ils nous aident à co-créer une idée de ce à quoi ressemble l’avenir du travail pour nous à la Banque Laurentienne. Là encore, on retrouve les mêmes principes de communication bidirectionnelle, d’écoute et d’apprentissage. Mais nous l’avons expliqué de manière très claire et transparente. Nous ne pourrons pas satisfaire tout le monde. Nous avons donc créé 13 modèles. Nous avons une formation culturelle qui permettra à nos leaders de travailler avec leurs équipes pour leur montrer combien il est difficile de concilier toutes les différences, parce qu’il n’y a pas de modèle universel pour tous.
Shelley : Si vous deviez résumer vos meilleurs conseils pour les personnes qui commencent ce parcours, en particulier autour de l’ESG et de la divulgation des valeurs, que leur diriez-vous?
Rania : Je leur dirais que c’est comme n’importe quel autre risque, et c’est intéressant, vous savez, même les gens qui n’ont jamais travaillé dans le domaine du risque voient le risque comme un facteur dissuasif pour faire des affaires. Et je dis toujours que si on le retourne, le risque est en fait une opportunité. Et donc, comment tirer parti de l’ESG pour créer des opportunités pour votre organisation et pour toutes ses parties prenantes? Si vous faites de tout un exercice de cases à cocher, c’est là le problème. Ainsi, même quand une nouvelle réglementation entre en jeu, je dis toujours aux gens que, du point de vue du risque, si elle est là pour servir nos clients, comment pouvons-nous utiliser cette réglementation pour nous différencier et fournir des avis et des conseils de confiance? C’est ainsi que je considère l’ESG. Je vais vous donner un exemple. Nous avons annoncé en décembre la signature d’un partenariat avec une nouvelle fintech pour nous aider à transformer notre plateforme Visa. Le choix de cette fintech était fantastique. La cheffe de la direction est une femme issue de l’immigration. Donc, c’est génial. Nous soutenons une personne de sexe féminin. Dans le cadre de la conception de la plateforme, nous lui avons dit que nous avions besoin de programmes de récompenses correspondant aux intérêts du sous-segment ESG de notre clientèle. Donc, qui sur votre plateforme peut aider à offrir ce service? Il y a beaucoup de choses qu’on peut intégrer, même avec nos partenaires, nos fournisseurs, y compris PwC. Quand j’interagis avec eux, et beaucoup d’hommes représentent nos partenaires de services, je ne manque pas de leur demander « Où sont vos associées de sexe féminin? ». C’est ce que nous faisons avec notre cabinet de conseil juridique. Nous le faisons à tous les niveaux. Donc, il s’agit de faire un petit pas à la fois. Parce que je pense que si vous essayez de dire simplement « ESG » et voici à quoi ça ressemble, ça devient très intimidant pour quelqu’un qui ne sait pas par où commencer. C’est pourquoi, comment faire comprendre à ce prêteur commercial qu’on ne lui demande pas de se retirer de cette activité, mais plutôt de réfléchir à comment nous pouvons mettre en place des programmes qui peuvent aider son client, qui subit probablement la même pression que lui dans son propre parcours ESG. Comment faire ça dans les RH? Comment le faire dans les opérations? Je dis toujours aux gens que ce sont de petits exemples qui peuvent aider les gens à comprendre et à dire : « Ah, maintenant je sais comment je peux contribuer à cette stratégie ESG ». Il ne s’agit donc plus d’un exercice de cases à cocher. C’est ma démarche en général. Si on ne s’est jamais mis à la place de quelqu’un d’autre, c’est vraiment difficile. Il s’agit de vous demander comment entrer en résonance avec votre interlocuteur en ramenant la conversation sur votre façon de fonctionner au quotidien, et de concevoir une étude de cas pertinente pour illustrer l’objectif global.
Shelley : Je pense que c’est un excellent conseil, Rania. Je pense que ça résonne dans tous les secteurs, grands ou petits, comment faire ses premiers pas dans ce domaine, et j’aime ça. Peut-être que la dernière question que nous pourrions vous poser aujourd’hui est la suivante : « Quand je pense à tout ce que l’équipe de la Laurentienne a accompli au cours des deux dernières années, de quoi êtes-vous le plus fière? »
Rania : Ce dont je suis le plus fière, c’est de l’équipe de direction que j’ai pu constituer, qui est extrêmement diversifiée, avec des antécédents différents, des façons de penser différentes. Je pense que c’est très révélateur, du point de vue de l’EDI, la façon dont cette équipe s’est constituée et ce que nous avons pu accomplir ensemble en très peu de temps. Sur le front de l’ESG, je dirais que c’est le fait qu’il ne s’agit pas d’un programme, ni d’un projet secondaire, mais d’une intégration globale à l’échelle de toute la banque, dans nos valeurs fondamentales, nos piliers stratégiques, nos opérations et nos activités. Et puis, le plus important, c’est de raviver ce sentiment de fierté chez nos employés et nos clients, et le fait que nos actionnaires et nos analystes commencent maintenant à y croire. C’est l’un de nos objectifs clés : nous croyons que nous pouvons changer l’expérience bancaire pour le mieux. Je pense que tout le monde commence maintenant à voir que quelque chose se passe à la Banque Laurentienne. Le changement commence à prendre forme et nous reconstruisons cette confiance que nous avions perdue il y a quelques années. Je suis vraiment fière de sentir que je suis en bonne voie de bâtir la banque pour laquelle j’ai toujours voulu travailler, Shelley, et que j’ai une équipe phénoménale à mes côtés pour m’aider à réaliser cette vision.
Shelley : Alors que nous terminons le balado d’aujourd’hui, je tiens à remercier Rania d’avoir passé ce moment avec nous. Au nom de nos auditeurs et au nom de PwC, un grand merci. Je pense que vos idées sont formidables et que les réflexions que vous avez partagées autour de l’ESG, de la stratégie et de la transformation, du leadership et de la confiance, ont été extrêmement précieuses. Enfin, merci à notre public d’aujourd’hui. Nous espérons que vous serez des nôtres pour le prochain épisode et que vous écouterez tous nos balados sur votre application préférée.
Rania Llewellyn est présidente et chef de la direction de la Banque Laurentienne depuis octobre 2020. Elle a assumé cette fonction à la suite d’une carrière de près de 25 ans au sein de la Banque Scotia, où elle a occupé divers postes, dont vice-présidente directrice, Paiements commerciaux mondiaux; vice-présidente, Services bancaires multiculturels et PDG de Roynat Capital.
Shelley Gilberg est leader du groupe Plateformes canadiennes et membre de l’équipe de direction élargie de PwC Canada. Avant d’occuper ce poste, Shelley était leader nationale du groupe Marchés ESG. En tant que consultante, elle œuvre dans les domaines de la stratégie, de la transformation, des finances et de la création de valeur. Elle se concentre sur le capital-investissement, les fonds de pension/clients souverains et les partenariats public-privé.
Leader, Marchés ESG et leader, Plateformes canadiennes, PwC Canada
Tél. : +1 250 298 5272