Point de vue fiscal : Comptez vos journées passées aux États-Unis ─ quand les hivernants migrateurs chantent, l’IRS écoute… (mise à jour 2018)

28 novembre, 2018

Numéro 2018-46F

En bref

Pour de nombreux Canadiens, la possibilité d’échapper aux rudesses de l’hiver en s’envolant vers le sud des États-Unis est irrésistible. Toutefois, il importe de tenir compte des conséquences d’un séjour prolongé aux États-Unis sur le plan de l’impôt sur le revenu et de l’immigration.

Le présent Point de vue fiscal expose les règles américaines pertinentes en matière d’impôt sur le revenu et d’immigration. Ces règles s’appliquent à tous les Canadiens. 

En détail

Hivernants migrateurs

Les hivernants migrateurs (« snowbirds ») – ces Canadiens qui passent une grande partie de l’hiver aux États-Unis – ignorent peut-être que leur simple présence aux États-Unis risque de les exposer à l’Internal Revenue Service (IRS) et à son appétit pour les recettes provenant de l’impôt sur le revenu et les droits successoraux américains.

L’IRS considère les étrangers qui satisfont au critère du « séjour d’une durée importante » aux États-Unis ainsi que les citoyens américains et les titulaires de la carte verte comme des résidents qui, de ce fait, sont possiblement assujettis à l’impôt sur le revenu américain.

Un Canadien satisfait au critère du « séjour d’une durée importante » s’il passe :

  • au moins 31 jours aux États-Unis dans l’année; et
  • 183 jours ou plus aux États-Unis selon la formule suivante :

Nombre total de jours de présence aux États-Unis dans l’année en cours

+ 1/3 du nombre de jours de présence aux États-Unis dans la première année précédente

+ 1/6 du nombre de jours de présence aux États-Unis dans la deuxième année précédente

Ce critère s’applique, peu importe que le séjour soit effectué pour des raisons d’affaires ou autres. Un jour s’entend généralement de toute partie de la journée passée aux États-Unis à moins que la personne soit en transit par les États-Unis. 

Exemple de calcul Nombre de jours passés aux États-Unis chaque année
Le même (122) Décroissant (170 à 109) Croissant (92 à 131)
Nombre total de jours de présence aux États-Unis : Année en cours
(p. ex. 2018)
122 x 1 = 122 109 x 1 = 109 131 x 1 = 131
Année précédente
(p. ex. 2017)
122 x 1/3 = 40 2/3 137 x 1/3 = 45 2/3 110 x 1/3 = 36 2/3
Année avant cela
(p. ex. 2016)
122 x 1/6 = 20 1/3 170 x 1/6 = 28 1/3 92 x 1/6 = 15 1/3
Total     183     183     183
Des exemples de calculs sont présentés ci-dessus pour trois combinaisons possibles de jours de présence aux États-Unis au cours des trois dernières années. En particulier, 122 jours de présence (environ quatre mois) par an donnent un total de 183 jours, ce qui constitue une présence importante aux États-Unis. Dans chaque exemple, un jour de moins au cours d’une année permettrait à la personne de ne pas satisfaire au critère du séjour d’une durée importante aux États-Unis.

Deux exceptions

Deux exceptions importantes peuvent éviter aux Canadiens d’être considérés comme des résidents des États-Unis et d’être assujettis à l’impôt américain.

L’exception en raison de liens plus étroits

Un Canadien qui satisfait au critère du séjour d’une durée importante dans une année pourrait tout de même éviter d’être considéré comme un résident des États-Unis s’il réussit à faire la preuve :

  • qu’il a des « liens plus étroits » avec le Canada; et
  • qu’il a séjourné aux États-Unis pendant moins de 183 jours dans l’année.

Un Canadien a généralement des liens plus étroits avec le Canada s’il est toujours considéré comme un résident canadien aux fins de l’impôt et que ses liens sociaux et économiques demeurent plus près du Canada. À cette fin, l’IRS tiendra compte d’éléments comme :

  • l’emplacement d’une résidence permanente, les liens familiaux et les activités commerciales et bancaires; et
  • l’accès à la couverture d’assurance-maladie, etc.

Pour se prévaloir de l’exception en raison de liens plus étroits, le particulier doit produire un formulaire américain (formulaire 8840) pour chaque année où le critère du séjour d’une durée importante est satisfait et que l’exception s’applique. Le formulaire doit être produit au plus tard le 15 juin.

L’exception en vertu d’une convention

Les Canadiens qui passent 183 jours ou plus aux États-Unis au cours de l’année peuvent tout de même éviter d’être considérés comme des résidents américains si les règles de départage de la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis leur sont favorables. Cette exception est beaucoup plus détaillée et exige la communication de beaucoup plus de renseignements que l’exception en raison des liens plus étroits.

Pour se prévaloir de l’exception en vertu d’une convention, le contribuable doit produire une déclaration de revenus des non-résidents (formulaire 1040NR), incluant une déclaration (formulaire 8833) où il explique pourquoi il devrait être considéré comme un résident du Canada. Les deux formulaires doivent être produits au plus tard le 15 juin de chaque année.

Même si, en raison de cette exception, le particulier est considéré comme un résident canadien aux fins de l’impôt, il pourrait avoir d’autres obligations de déclaration à l’IRS, incluant celles qui visent les comptes bancaires canadiens, et les participations dans des sociétés canadiennes et fiducies canadiennes dont le particulier est un bénéficiaire ou un fiduciaire. Le particulier qui ne se conforme pas à ces exigences s’expose à des pénalités sévères. Pour ces raisons, en dépit de la convention, les Canadiens devraient généralement limiter leur présence aux États-Unis à 182 jours par année civile.

Détenir une propriété de vacances

Les Canadiens qui détiennent une propriété de vacances à titre personnel aux États-Unis doivent tenir compte d’autres considérations fiscales. S’ils font la location de leur propriété pendant une partie de l’année, ils doivent produire annuellement une déclaration de revenus fédérale et peut-être aussi une déclaration de revenus de l’État américain concerné pour protéger les déductions qui pourront être demandées lors de la vente future de la maison. Le revenu net ou la perte nette de location doit être déclaré sur le formulaire américain 1040NR, qui est exigible au plus tard le 15 juin.

La vente de la propriété de vacances doit être déclarée sur le formulaire fédéral américain 1040NR. Selon l’endroit, l’État américain concerné peut aussi exiger la production d’une déclaration de revenus – mais aucune déclaration n’est exigée en Floride. Une retenue d’impôt américain peut également s’appliquer à la date de la vente, mais elle peut être déduite de l’impôt américain final à payer.

Bien que les Canadiens soient tenus de déclarer la vente dans leur déclaration de revenus canadienne, l’impôt canadien final sera réduit de tout impôt américain payé lors de la vente, pour empêcher la double imposition.

Droits successoraux américains

En plus de l’impôt sur le revenu, la propriété d’un bien immeuble aux États-Unis risque d’exposer les Canadiens aux droits successoraux américains, peu importe la durée de leur séjour aux États-Unis. Les droits successoraux américains s’appliquent à un Canadien qui détenait un bien situé aux États-Unis à la date du décès. Ces biens comprennent, entre autres, des actions de sociétés américaines et, évidemment, des biens immeubles américains.

Les droits successoraux sont calculés à un taux progressif appliqué à la juste valeur marchande du bien, déduction faite des dettes à la date du décès. Les taux varient actuellement entre 18 % et 40 %, selon la taille de la succession.

Sachez que le 22 décembre 2017, le président Donald Trump a promulgué la Tax Cuts and Jobs Act (TCJA). Les changements mis en œuvre par la TCJA comprennent le doublement des montants d’exonération fédérale des droits successoraux et de l’impôt sur les dons, de 5,6 M$US à 11,2 M$US pour 2018 (à indexer annuellement).  Pour en savoir plus, consultez notre bulletin Point de vue fiscal, « Droits successoraux américains : risque d’assujettissement pour les Canadiens (version 2018) », au www.pwc.com/ca/pointdevuefiscal.

Immigration américaine

Des ressortissants canadiens se rendent régulièrement aux États-Unis sans tenir compte des règles complexes en matière d’immigration qui sont en jeu en arrière-plan. Bien que les Canadiens profitent généralement de voyages fréquents et sans tracas entre les États-Unis et le Canada en raison de la frontière commune, les hivernants migrateurs canadiens doivent tenir compte de certains facteurs importants s’ils souhaitent passer beaucoup de temps aux États-Unis.

Document I-94

Chaque fois qu’un étranger entre aux États-Unis, on lui remet un document I-94 comme preuve de son admission légale. Ce document contient une date d’expiration qui précise quand la personne doit quitter les États-Unis.

La période d’admission permise indiquée sur le document I-94 est déterminée à la discrétion des fonctionnaires du Department of Homeland Security et du US Customs and Border Protection (CBP) au port d’entrée. Bien que la période d’admission habituelle des hivernants migrateurs canadiens soit de six mois, les fonctionnaires du CBP ont le pouvoir de limiter la durée ou même de refuser l’entrée. Il est donc important que les hivernants migrateurs sachent qu’une admission aux États-Unis pour six mois est toujours discrétionnaire et jamais garantie.

En outre, la période d’admission de six mois peut être limitée pour tenir compte des journées passées aux États-Unis au cours des 12 mois précédents. Bien qu’une personne puisse bénéficier d’une nouvelle période de 180 jours lors d’une nouvelle rentrée, cela n’est pas garanti.

Les ressortissants canadiens ne savent peut-être pas qu’on leur remet un document I-94, mais il faudrait l’examiner pour prendre note de la période d’admission accordée. Demeurer aux États-Unis après la date d’expiration peut avoir de graves conséquences. Le document est disponible en ligne au i94.cbp.dhs.gov

Preuve d’intention de séjour temporaire

Les hivernants migrateurs canadiens entrent aux États-Unis en tant que visiteurs avec un statut officiellement connu sous le nom de statut B-2. Ce statut exige que la personne soit en mesure de fournir la preuve de son intention de demeurer temporairement aux États-Unis. Il est recommandé que les hivernants migrateurs canadiens aient sur eux, lorsqu’ils se rendent aux États-Unis, des preuves de leurs liens avec le Canada et de leur intention d’y retourner, comme des réservations de voyage de retour, la propriété de biens canadiens, des comptes bancaires canadiens, etc. 

Les visiteurs qui entrent aux États-Unis avec un statut B-2 ne peuvent exercer quelque forme de travail que ce soit dans ce pays.

Inadmissibilité

Les ressortissants canadiens ont la chance d’être exemptés de visa, ce qui signifie qu’un visa n’est généralement pas nécessaire pour entrer aux États-Unis. Néanmoins, les ressortissants canadiens doivent garder à l’esprit que toute accusation criminelle antérieure pourrait faire en sorte qu’ils soient interdits d’entrée sur le territoire américain. Les personnes accusées d’actes criminels devraient consulter un avocat spécialisé en droit de l’immigration avant leur voyage prévu aux États-Unis pour discuter de tout obstacle potentiel à leur admission.

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Martin Olivier Boiteau

Martin Olivier Boiteau

Associé directeur, PwC Canada

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