18 février, 2025
Numéro 2025-09F
Le 13 février 2025, le président américain Donald Trump a signé un mémorandum1 ordonnant l’élaboration d’un plan exhaustif visant l’imposition de tarifs réciproques dans le but de rétablir l’équité des relations commerciales avec les États-Unis et de combattre les arrangements commerciaux non réciproques. Les États-Unis entendent examiner toutes les relations commerciales non réciproques et les pratiques commerciales de leurs partenaires – dont le Canada – qu’ils jugent déloyales et déterminer l’équivalent d’un tarif réciproque pour chaque partenaire commercial étranger. Les États‑Unis prévoient mettre en place de nouveaux tarifs propres à chaque pays afin de rééquilibrer le commerce international compte tenu de ce qu’ils perçoivent comme des relations commerciales déloyales. Le mémorandum ne précise pas la date d’entrée en vigueur de ces tarifs, mais fournit un échéancier pour l’examen, les recommandations et l’évaluation des retombées budgétaires.
Le Canada impose divers tarifs sur les produits qu’il importe des États-Unis. Selon le principe de la nation la plus favorisée (NPF), des tarifs standards s’appliquent aux produits importés des États-Unis et d’autres pays membres de l’Organisation mondiale du commerce. Bon nombre de produits agricoles ne sont assujettis à aucun tarif conformément au principe de la NPF, mais le tarif douanier moyen sur les produits importés au Canada est de 6,5 %. Ce taux moyen englobe un éventail de produits : certains ne sont frappés d’aucun tarif, tandis que d’autres, plus particulièrement ceux des secteurs agricole et laitier, sont assujettis à des tarifs plus élevés. Si un produit est admissible selon l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), le tarif est ramené à zéro. En raison de l’ACEUM, les tarifs imposés par le Canada sur les produits provenant des États-Unis sont généralement semblables à ceux que les États-Unis imposent sur les produits canadiens, à quelques exceptions près (p. ex. les produits laitiers, qui ne sont pas exemptés de tarifs en vertu de l’ACEUM). Par conséquent, on s’attend à ce que les tarifs réciproques imposés par les États‑Unis pour rétablir l’équité des relations commerciales aient peu d’incidences sur le Canada pour ce qui est des produits tangibles.
Cependant, la feuille d’information2 qui accompagne le mémorandum mentionne expressément que la taxe sur les services numériques (TSN) récemment adoptée par le Canada constitue une pratique commerciale déloyale (c.‑à‑d. que les États-Unis la perçoivent comme une violation de l’ACEUM et ont déjà menacé d’imposer des tarifs de rétorsion sur d’autres pays qui se sont dotés de règles fiscales similaires). En outre, un décret présidentiel américain signé le jour de l’investiture du président laisse entrevoir que l’administration Trump s’oppose aux impôts extraterritoriaux ou discriminatoires visant des entreprises américaines. Pour cette raison, les États‑Unis pourraient envisager de riposter à la TSN canadienne par l’imposition de tarifs ou, comme il en est question ci-dessous, par l’invocation de l’article 891 du Internal Revenue Code (IRC) américain, ce qui pourrait nuire aux entreprises et aux cadres du Canada qui exercent des activités aux États-Unis.
En attendant les résultats des examens et les rapports, les entreprises canadiennes et leurs cadres canadiens établis aux États-Unis devraient évaluer l’incidence de ces possibles mesures américaines sur leur profil fiscal. Les contribuables doivent suivre les développements et planifier des scénarios pour se préparer aux changements.
Le mémorandum du 13 février 2025 présente le « Fair and Reciprocal Plan » et ordonne un examen de l’imposition de tarifs réciproques sur les importations de pays qui appliquent des tarifs ou d’autres barrières déloyales aux exportations américaines similaires. Toutes les relations non réciproques avec des partenaires commerciaux seront examinées, notamment :
Le secrétaire au Commerce et le représentant au Commerce des États-Unis, en consultation avec d’autres fonctionnaires concernés, procéderont à cet examen et proposeront des recours, et le directeur de l’Office of Management and Budget évaluera les retombées budgétaires du plan dans un délai de 180 jours. Le plan ne fixe pas de date précise pour la mise en œuvre de tarifs réciproques. Ce plan fait suite aux décrets présidentiels signés :
Le 20 janvier 2025, le président américain Donald Trump a signé un décret présidentiel4 ordonnant aux agences gouvernementales américaines concernées de procéder à des examens et de formuler des recommandations sur un vaste éventail de questions commerciales (p. ex. tarifs, déficits commerciaux et sécurité économique). Plus particulièrement, une clause du décret mandate le secrétaire au Trésor américain pour « [traduction] vérifier si des pays étrangers assujettissent des citoyens ou des sociétés des États-Unis à des impôts discriminatoires ou extraterritoriaux aux termes de l’article 891 » de l’IRC et pour rédiger un rapport sur ses conclusions d’ici le 1er avril 2025.
L’article 891 stipule que lorsqu’un « [traduction] président juge qu’en vertu des lois d’un pays étranger, des citoyens ou des sociétés des États-Unis sont assujettis à des impôts discriminatoires ou extraterritoriaux », certains taux d’imposition peuvent « [traduction] être doublés relativement à chaque citoyen ou société de ce pays étranger ».
Advenant son application, l’article 891 pourrait permettre au président Trump de doubler les impôts des sociétés canadiennes qui exercent leurs activités aux États‑Unis (et des cadres canadiens qui y travaillent) en riposte à la TSN du Canada (ou à tout autre impôt ou taxe que les États-Unis jugent discriminatoire, notamment certains aspects de la règle relative aux profits insuffisamment imposés [RPII]5 appliquée en vertu du projet de Pilier Deux de l’Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE]).
La TSN est une taxe de 3 % sur les revenus canadiens de services numériques visés gagnés par de grands contribuables nationaux et étrangers (qui incluent de nombreuses entreprises multinationales [EMN]). La TSN fait partie d’un ensemble complexe de règles fiscales internationales et a été créée pour assujettir à l’impôt du Canada les revenus canadiens de grandes sociétés qui n’ont peut-être pas de présence physique au Canada, mais dont la présence économique y est considérable. Entrée en vigueur au cours de l’année civile 2024, la TSN est toutefois rétroactive au 1er janvier 2022 et s’applique seulement jusqu’à ce que les membres de l’OCDE/G20 mettent en œuvre une approche multilatérale acceptable.
Les contribuables sont assujettis à la TSN au cours d’une année donnée s’ils atteignent les deux seuils de revenus suivants (à calculer sur la base d’un groupe consolidé) :
La taxe de 3 % sera perçue sur le revenu canadien de services numériques pour l’année civile donnée qui excède 20 millions de dollars canadiens (réparti au prorata entre les membres d’un groupe consolidé).
Les revenus visés comprennent généralement le revenu canadien des services numériques suivants :
Pour en savoir plus, lisez le Point de vue fiscal « La Loi de la taxe sur les services numériques a été adoptée ─ à quoi s’attendre et comment se préparer? » (mise à jour du 5 juillet 2024).
Dans leur examen de leur relation commerciale avec le Canada, les États-Unis pourraient mettre en lumière plusieurs éléments qu’ils jugeraient être des pratiques commerciales déloyales ou discriminatoires à l’égard des entreprises américaines, la plus remarquée étant la TSN du Canada. Puisque qu'il est prévu que la TSN s’applique de manière disproportionnée aux entreprises qui exercent leurs activités au Canada qui sont des EMN établies aux États-Unis (comparativement aux entreprises canadiennes et aux autres EMN étrangères), les États-Unis pourraient considérer que la TSN est discriminatoire à l’égard des entreprises américaines et appliquer à la fois des tarifs de rétorsion et l’article 891 de l’IRC. Toute réponse des États-Unis qui inclurait des tarifs réciproques ou le doublement de l’impôt en vertu de l’article 891 serait extrêmement punitive pour les entreprises canadiennes, en particulier les sociétés canadiennes (et leurs cadres) qui exercent leurs activités aux États-Unis. Ces entreprises et leurs cadres doivent suivre les développements, être conscients de leur exposition potentielle et commencer à planifier des scénarios afin de mieux comprendre les issues possibles.
PwC peut aider votre entreprise à faire face à la situation tarifaire actuelle. Consultez :
1. Mémorandum présidentiel « Reciprocal Trade and Tariffs » (13 février 2025).
2. Feuille d’information « President Donald J. Trump Announces “Fair and Reciprocal Plan” on Trade » (13 février 2025).
3. Pour en savoir plus, voir le Point de vue fiscal « Les États-Unis imposent des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium importés du Canada ».
4. Décret présidentiel « America First Trade Policy » (20 janvier 2025).
5. Voir notre bulletin Tax Policy Alert « US President Trump signals day one changes in global tax and trade policy ».
Jody McLean
Directeur principal, Douanes et commerce international, PwC Canada
Tél. : +1 416 869 2459