Point de vue fiscal : Le ministère des Finances publie des propositions législatives préliminaires visant à accroître les pouvoirs de vérification de l’ARC

09 septembre, 2025

Numéro 2025-33F

En bref

Que s’est-il passé? 

Le 15 août 2025, le ministère des Finances a publié, aux fins de consultation, des propositions législatives préliminaires visant à accroître les pouvoirs de l’Agence du revenu du Canada (ARC) en matière de conformité et d’exécution de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi) et des lois connexes. Les nouvelles propositions, considérées collectivement avec celles publiées précédemment, représentent un élargissement important des pouvoirs de l’ARC en matière de vérification et d’exécution de la loi. Ces propositions :

  • ajoutent de nouveaux mécanismes en matière de conformité;
  • élargissent les pouvoirs relatifs à la collecte de renseignements;
  • augmentent la gravité des conséquences en cas de manque de coopération et de retard.

Notamment, les propositions d’août 2025 comprennent une amélioration des dispositions sur les pénalités et des mesures de protection des contribuables pour tenir compte des commentaires reçus relativement aux propositions précédentes. Ces modifications entreront en vigueur lorsque la loi habilitante recevra la sanction royale.

Pourquoi est-ce pertinent?

Les modifications proposées, prises dans leur ensemble depuis qu’elles ont été présentées la première fois dans le budget fédéral de 2024, augmentent considérablement la portée des outils de l’ARC en matière de vérification et d’exécution de la Loi. Elles ajoutent en effet des mécanismes comme un avis de non‑conformité, des pénalités quotidiennes et en fonction d’un pourcentage, l’élargissement du pouvoir de contraindre les contribuables à fournir des renseignements sous serment ou affirmation solennelle, et la possibilité d’obtenir l’autorisation de procéder à des demandes péremptoires visant des personnes non désignées nommément. Toutes ces modifications ont pour but d’accélérer les processus de conformité et de vérification. 

Mesures à envisager

Les sociétés et les particuliers devraient resserrer leurs normes de conformité de façon proactive et se préparer à des mesures d’exécution de la loi accrues de la part de l’ARC. Lorsque l’ARC mène une vérification, les contribuables devraient, comme toujours, être organisés et attentifs aux demandes de l’ARC et connaître la portée des pouvoirs de l’ARC. Les parties intéressées avaient jusqu’au 12 septembre 2025 pour donner leurs commentaires sur les propositions législatives.

En détail

Contexte

Le budget fédéral 2024 comprenait des propositions législatives modifiant les pouvoirs de collecte de renseignements de l’ARC en vertu de la Loi afin d’améliorer l’efficience et l’efficacité des vérifications fiscales et de faciliter et d’accélérer le recouvrement de l’impôt. Les propositions législatives préliminaires publiées en août 2024 et août 2025, qui entreraient en vigueur au moment où la loi habilitante recevra la sanction royale, mettraient en place ces pouvoirs élargis.

Fournir des renseignements sous serment ou affirmation solennelle

Les modifications proposées à l’article 231.1 et au paragraphe 231.2(3) de la Loi prévoient que, dans le contexte d’une vérification ou d’une demande péremptoire visant des personnes non désignées nommément, l’ARC peut exiger des renseignements, des documents et de l’aide pour l’application et l’exécution d’accords internationaux ou de traités fiscaux. Ces modifications corrigent une lacune relevée dans un récent jugement de la Cour fédérale du Canada concernant le pouvoir du ministre du Revenu national (le ministre) de procéder à des demandes péremptoires visant des personnes non désignées nommément en vertu du paragraphe 231.2(3). Une modification proposée de l’article 231.1 confirmerait explicitement que les pouvoirs de l’ARC s’étendent au recouvrement des dettes fiscales.

Un nouvel article, l’article 231.41, permettrait à l’ARC d’exiger que les réponses, les renseignements ou les documents soient fournis de vive voix (en personne, par vidéoconférence ou par tout autre moyen électronique) ou par écrit, et — surtout — sous serment ou affirmation solennelle, ou par affidavit. Cet article rehausse l’importance juridique des réponses, et les particuliers s’exposent à des accusations de parjure en vertu des articles 131 et 132 du Code criminel en cas de fausses déclarations.

Ces nouveautés soulèvent d’importantes questions concernant le traitement des déclarations orales faites lors d’entrevues, les obligations de rétractation ou de correction de déclarations orales précédentes, et l’utilisation de telles déclarations comme preuves dans des procédures subséquentes, surtout lorsqu’il y a du roulement de personnel ou que les questions sont mal formulées. Le processus de vérification, contrairement à un interrogatoire préalable officiel, ne comprend pas les mêmes garanties procédurales pour les déclarants.

Fait important, l’ajout récemment proposé au paragraphe 231.1(4) est une victoire pour les contribuables. Il annule un arrêt de la Cour suprême du Canada qui avait confirmé la validité de la demande du ministre visant l’obtention d’une liste de donateurs d’un organisme de bienfaisance enregistré (personnes non désignées nommément) au motif qu’elle avait été faite en vertu de l’article 231.1 (qui régit les pouvoirs de vérification), plutôt qu’en vertu de l’article 231.2 (qui régit les demandes de renseignements et exige une autorisation judiciaire pour les personnes non désignées nommément). Avec cette modification, le ministre serait tenu d’obtenir une autorisation judiciaire pour demander ces renseignements, peu importe s’il fait sa demande en vertu des articles 231.1 ou 231.2.

Les versions antérieures des propositions législatives exigeaient que les contribuables accèdent aux demandes de renseignements « sans frais à Sa Majesté du chef du Canada », mais ce libellé, qui devait être ajouté aux articles 231.1, 231.2 et 231.6 selon les propositions législatives préliminaires d’août 2024, n’a pas été inclus dans la version d’août 2025. Il s’agit d’une bonne nouvelle pour les contribuables.

Avis de non-conformité

Le nouvel article 231.9 proposé introduit l’avis de non‑conformité, que l’ARC peut délivrer à tout contribuable (ou à toute partie liée) qui ne fournit pas les renseignements ou l’aide raisonnable demandés. Il n’y a pas de seuil de minimis pour que cet avis soit délivré.

Un contribuable qui reçoit un avis de non‑conformité aurait 90 jours pour demander une révision au ministre, qui devrait répondre dans les 180 jours. Si le contribuable n’est pas satisfait de la révision, il peut présenter une demande de contrôle judiciaire dans un délai supplémentaire de 90 jours.

Une pénalité quotidienne de 50 $ (jusqu’à concurrence de 25 000 $) s’appliquerait pour chaque jour où l’avis demeure en suspens, à moins que le ministre ou un tribunal n’annule l’avis. Notamment, les propositions d’août 2025 précisent que cette pénalité ne s’appliquerait pas si la raison pour laquelle un contribuable ne se conforme pas est la croyance raisonnable que les renseignements, documents ou réponses demandés sont protégés par le privilège des communications entre client et avocat. Cette exemption est une nouvelle mesure de protection mise en place en réponse aux commentaires reçus sur les propositions antérieures.

Suspension du délai de prescription

Les modifications proposées à l’article 231.8 de la Loi prévoient que la période normale de nouvelle cotisation serait suspendue dans plusieurs circonstances clés :

  • lorsqu’un avis de non-conformité est en suspens;
  • lorsqu’un contribuable demande un contrôle judiciaire d’une demande de renseignements ou d’un avis de non-conformité;
  • lorsqu’une procédure judiciaire concernant une ordonnance d’exécution est en cours.

Fait important, ces suspensions s’appliqueraient non seulement au contribuable, mais aussi à toute personne avec laquelle il a un lien de dépendance, de sorte que l’établissement d’une nouvelle cotisation par l’ARC ne soit pas prescrit à l’égard des parties liées pendant que les différends en matière de vérification demeurent non résolus. Ces suspensions prolongent considérablement la période au cours de laquelle l’ARC pourrait établir une nouvelle cotisation en cas de différends en matière de conformité. 

Obligation de fournir des renseignements ou documents étrangers

Les modifications proposées à l’article 231.6 de la Loi permettraient à l’ARC d’exiger qu’une personne résidant au Canada ou une personne n’y résidant pas mais y exploitant une entreprise fournisse des renseignements ou des documents situés à l’étranger qui peuvent être pris en compte pour l’application ou l’exécution de la Loi, d’un accord international désigné ou d’un traité fiscal. 

Les contribuables auraient au moins 90 jours pour fournir les renseignements demandés. Un processus de révision permettrait aux contribuables de soumettre leur cas à un juge pour que celui-ci confirme, modifie ou déclare sans effet l’exigence de fournir des renseignements si celle‑ci est jugée déraisonnable. Le défaut de fournir les renseignements ou documents demandés entraîne l’interdiction de déposer ces renseignements ou documents en preuve dans le cadre de procédures civiles liées à l’exécution de la Loi. 

Les mots « dans le délai raisonnable et de la manière raisonnable » figureraient désormais aux articles 231.1, 231.2 et 231.6, et « et de la manière raisonnable » serait un nouveau libellé. L’ajout proposé porte sur la façon dont les renseignements doivent être fournis au ministre et peut aider à clarifier dans quelle mesure le ministre peut demander des renseignements, particulièrement en ce qui concerne le format qu’il peut exiger et l’effort requis des contribuables. Malheureusement, le libellé est encore moins précis que d’autres solutions qui existent déjà ailleurs dans la loi.

Pénalités aux termes d’une ordonnance d’exécution

Si un contribuable ou une autre personne ne se conforme pas à une demande de vérification, l’actuel paragraphe 231.7(1) de la Loi permet à l’ARC d’obtenir une ordonnance d’exécution d’un tribunal. Les modifications de ce paragraphe qui sont proposées feraient entrer l’obligation de fournir des renseignements ou documents étrangers en vertu de l’article 231.6 dans le processus de conformité et préciseraient que le tribunal peut ordonner à un contribuable de répondre à toutes les questions de vive voix ou par écrit, comme l’exige l’alinéa 231.1 (1)d) actuel.

En vertu des paragraphes 231.7(6) à (9), si la demande de l’ARC est acceptée, une nouvelle pénalité pouvant atteindre 10 % de l’impôt total payable pour chaque année d’imposition à laquelle se rapporte l’ordonnance d’exécution pourrait être imposée, pourvu que l’impôt dû à l’égard d’au moins une de ces années dépasse 50 000 $.

Voici les principales modifications apportées dans les propositions d’août 2025 :

  • le ministre aurait le pouvoir discrétionnaire d’imposer une pénalité moindre ou de ne pas imposer de pénalité, et la pénalité devrait être juste et proportionnelle; si un contribuable s’y oppose, le ministre pourrait également réduire ou annuler la pénalité complètement;
  • aucune pénalité ne s’appliquerait si la non-conformité découle de la croyance raisonnable que les renseignements demandés bénéficient du privilège des communications entre client et avocat.

La capacité de l’ARC de demander des ordonnances d’exécution s’étendrait aux renseignements et aux documents étrangers, et il ne serait pas nécessaire qu’un avis de non-conformité soit délivré avant qu’une ordonnance d’exécution puisse être demandée.

Mise à jour récente des directives administratives de l’ARC

Le 25 juillet 2025, l’ARC a mis à jour son communiqué interne AD‑25‑04, « Obtenir des renseignements pendant les activités d’observation », qui énonce ses attentes concernant les délais, le format et la portée des demandes de renseignements et de documents. Les directives décrivent les pratiques exemplaires pour les fonctionnaires de l’ARC et les contribuables et précisent qu’elles devront être mises à jour pour tenir compte des nouveaux pouvoirs législatifs, mais seulement après que la loi habilitante aura reçu la sanction royale.

À retenir

Les propositions législatives préliminaires d’août 2025 et les propositions antérieures, une fois adoptées, fourniront à l’ARC des outils de vérification beaucoup plus robustes et flexibles. Les contribuables et les parties liées s’exposent à un risque accru de pénalités importantes, à des normes de documentation et de preuve plus strictes et à un plus lourd fardeau de conformité mondiale. Les suspensions proposées de la période normale de nouvelle cotisation signifient que les périodes de vérification et de nouvelle cotisation pourraient être considérablement prolongées, ce qui accroît l’incertitude et la nécessité d’une gestion proactive de la conformité. 

Les contribuables devraient dès maintenant prendre des mesures concrètes pour se préparer à un contexte où l’ARC a plus de pouvoirs en matière de vérification et de conformité :

  • Tenir des registres organisés : Conserver tous les documents fiscaux, y compris ceux relatifs aux opérations à l’étranger et aux parties liées, bien organisés et facilement accessibles. 
  • Renforcer les protocoles internes : Établir des processus clairs pour faire le suivi des demandes de l’ARC et y répondre rapidement. Désigner une personne ou une équipe expérimentée pour coordonner toutes les interactions pendant une vérification. 
  • Préserver le privilège juridique : Se préparer à examiner attentivement les demandes de renseignements, en particulier celles qui concernent des déclarations sous serment. Préparer le personnel concerné à l’avance et consulter un conseiller juridique pour protéger les renseignements privilégiés. 
  • Répondre rapidement : Répondre rapidement et rigoureusement aux demandes de l’ARC afin d’éviter les pénalités et les ordonnances d’exécution. 
  • Planifier en fonction de vérifications plus longues : Ne pas oublier que les périodes de vérification et de nouvelle cotisation peuvent être prolongées en cas de différends, ce qui augmente le risque et l’incertitude. 
  • Se préparer à des demandes sur les activités mondiales : Les multinationales devraient être prêtes à fournir des renseignements étrangers et à se coordonner avec leurs sociétés affiliées à l’étranger. 
  • Suivre les pratiques exemplaires en matière de vérification : Travailler en collaboration avec les vérificateurs de l’ARC, convenir d’échéanciers de réponse et demeurer en constante communication afin de réduire les malentendus. 
  • Rester informé : Surveiller les changements législatifs et administratifs et ajuster les stratégies de conformité au besoin.

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Rémi Danylo

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Associé, PwC Cabinet d'avocats s.r.l./s.e.n.c.r.l.

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Geneviève Léveillé

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Leader, unité d’affaires des Services fiscaux, Services fiscaux spécialisés, PwC Cabinet d'avocats s.r.l./s.e.n.c.r.l.

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Daniel Bourgeois

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