Numéro 2024-34F
En bref
Le 16 décembre 2024, le gouvernement fédéral a présenté son énoncé économique de l’automne de 2024 (l’énoncé économique). L’énoncé économique ne modifie pas les taux d’imposition des sociétés ou des particuliers, mais il :
- rétablit l’Incitatif à l’investissement accéléré et les mesures de passation en charges immédiate pour la machinerie et l’équipement de fabrication et de transformation (F&T) nouvellement acquis, le matériel pour la production d’énergie propre et les véhicules zéro émission;
- améliore considérablement le programme de recherche scientifique et de développement expérimental (RS&DE) en élargissant le remboursement du crédit d’impôt à l’investissement (CII) pour la RS&DE et en rétablissant l’admissibilité des dépenses en capital;
- élargit l’admissibilité aux CII pour l’électricité propre et l’hydrogène propre;
- fournit les détails de la conception et de la mise en œuvre du CII dans la chaîne d’approvisionnement de véhicules électriques (VE);
- modifie la Remise canadienne sur le carbone pour les petites entreprises.
Ce Point de vue fiscal aborde ces initiatives fiscales et d’autres mesures proposées dans l’énoncé économique.
En détail
Mesures fiscales visant les sociétés
Incitatif à l’investissement accéléré (IIA)
L’énoncé économique propose de rétablir intégralement l’IIA, qui devait être progressivement supprimé jusqu’en 2027, mais qui offrira désormais une déduction pour amortissement (DPA) bonifiée pour la première année pour les biens admissibles acquis après le 31 décembre 2024 et qui deviennent prêts à être mis en service avant 2030. Comme son prédécesseur, l’IIA s’appliquera à toutes les immobilisations assujetties aux règles de la DPA, à l’exception de la machinerie et de l’équipement de F&T, du matériel pour la production d’énergie propre et des véhicules zéro émission (voir ci-dessous).
Pour les biens qui deviennent prêts à être mis en service avant 2030, l’IIA prévoit une DPA maximale pour la première année sur les ajouts nets à une catégorie de DPA égale à une fois et demie la DPA habituelle pour cette catégorie, sous réserve d’un maximum de 100 % (ce qui suspend en fait la règle de la demi-année et permet une DPA pouvant atteindre jusqu’à trois fois le maximum habituel de la première année).
Par exemple, un bien de catégorie 8 admissible à la DPA à un taux annuel maximal de 20 % – normalement réduit à 10 % la première année – acquis après le 31 décembre 2024 sera désormais admissible à une DPA pouvant atteindre 30 % la première année de sa mise en service. La DPA annuelle maximale relative au bien pour les années suivantes continuera d’être de 20 % sur la base d’un équilibre dégressif.
L’IIA sera éliminé progressivement pour les biens qui deviennent prêts à être mis en service après 2029 et sera entièrement éliminé pour les biens qui deviennent prêts à être mis en service après 2033.
Passation en charges immédiate
L’énoncé économique rétablit également la passation en charges immédiate pour la machinerie et l’équipement de F&T, le matériel pour la production d’énergie propre et les véhicules zéro émission (qui devait être éliminée progressivement d’ici 2027), proposant de fournir une DPA de 100 % la première année pour de tels biens acquis après le 31 décembre 2024 et qui deviennent prêts à être mis en service avant 2030. Ces mesures de DPA bonifiée seront éliminées progressivement pour les biens qui deviennent prêts à être mis en service après 2029 et avant 2034.
Recherche scientifique et développement expérimental (RS&DE)
L’énoncé économique propose de renforcer le programme d’encouragements fiscaux pour la recherche scientifique et le développement expérimental (RS&DE) par les moyens suivants :
- rehausser la limite de dépense annuelle des sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) aux fins du crédit d’impôt à l’investissement remboursable au taux majoré de 35 %, afin de faire passer cette limite de 3 millions de dollars à 4,5 millions de dollars, et élargir aux sociétés publiques canadiennes* admissibles le CII majoré de 35 %; cela signifie que les SPCC et les sociétés publiques canadiennes admissibles pourraient demander jusqu’à 1,575 million de dollars par an (contre 1,050 million de dollars pour les sociétés privées sous contrôle canadien) au titre de ce CII remboursable;
- pour les SPCC, augmenter la fourchette de réduction progressive du capital imposable de l’année précédente (sur une base combinée) aux fins du CII majoré, pour faire respectivement passer la limite inférieure de 10 millions de dollars à 15 millions de dollars et la limite supérieure de 50 millions de dollars à 75 millions de dollars; cela signifie que la limite de dépense de 4,5 millions de dollars d’une SPCC en ce qui concerne le CII de 35 % serait réduite de 0,075 $ pour chaque 1 $ de son capital imposable de l’année précédente utilisé au Canada au-delà de 15 millions de dollars et jusqu’à 75 millions de dollars;
- pour les sociétés publiques canadiennes admissibles, prévoir une structure d’élimination progressive du revenu brut qui réduirait le plafond des dépenses de 4,5 millions de dollars de la société en ce qui concerne le CII de 35 % de 0,075 $ pour chaque dollar de son revenu brut moyen (dans les états financiers consolidés d’un groupe dans lequel la société est incluse, au niveau le plus élevé de consolidation, avec un accès au plafond de dépense partagé entre les sociétés de ce groupe, ou dans ses états financiers annuels préparés conformément aux PCGR et présentés aux actionnaires) sur les trois exercices précédents qui se trouvent entre 15 millions et 75 millions de dollars;
- instaurer un choix permettant aux SPCC de déterminer leur admissibilité au CII remboursable en fonction de la même structure d’élimination progressive du revenu brut que celle proposée pour les sociétés publiques canadiennes (voir ci-dessus), en lieu et place du capital imposable;
- rétablir l’admissibilité des dépenses en capital à titre de déduction du revenu et aux fins du CII du programme RS&DE; les règles seraient généralement les mêmes que celles qui étaient en vigueur avant 2014 et s’appliqueraient aux biens acquis (ou, pour les frais de location, aux montants qui deviennent payables pour la première fois) après le 15 décembre 2024.
* Une société publique canadienne admissible doit présenter les caractéristiques suivantes, tout au long de l’année d’imposition :
- est résidente du Canada;
- a une catégorie d’actions cotée à une bourse désignée (ou a exercé le choix d’être une société publique, ou le ministre du Revenu national l’a ainsi désignée);
- n’est contrôlée, ni directement ni indirectement, de quelque manière, par une ou plusieurs personnes non résidentes.
Les sociétés résidentes du Canada dont la totalité ou presque des actions appartiennent à au moins une société publique canadienne admissible seraient également admissibles au CII remboursable.
Il est proposé que les améliorations apportées au programme RS&DE s’appliquent aux années d’imposition commençant après le 15 décembre 2024, sauf indication contraire. Les sociétés devraient réévaluer leur admissibilité au remboursement du CII au titre du programme RS&DE à la lumière de ces propositions.
Encouragements à l’économie propre
L’énoncé économique :
- fournit des détails sur les exigences en matière d’admissibilité et de déclaration pour les sociétés d’État provinciales et territoriales en ce qui concerne le CII pour l’électricité propre (CII pour EP);
- à compter du 16 décembre 2024, inclut la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) comme entité admissible au CII pour l’EP; instaure également une exception de sorte que le financement octroyé par la BIC ne réduise pas le coût des biens admissibles aux fins du calcul du CII pour l’EP;
- élargit le CCI pour l’hydrogène propre afin d’inclure la pyrolyse du gaz naturel et d’autres hydrocarbures admissibles (c’est-à-dire la pyrolyse du méthane) en tant que filière de production d’hydrogène admissible, avec certaines exigences, pour les biens qui sont acquis et qui deviennent prêts à être mis en service dans le cadre d’un projet admissible après le 15 décembre 2024;
- fournit les détails de la conception et de la mise en œuvre du CCI dans la chaîne d’approvisionnement de VE, comme suit :
- sociétés admissibles – sociétés canadiennes imposables qui investissent directement dans des biens admissibles; les sociétés de personnes et les fiducies ne peuvent pas en bénéficier;
- biens admissibles – structures et bâtiments, y compris leurs composantes, qui sont décrits à l’alinéa q) de la catégorie 1 des déductions pour amortissement de l’annexe II du Règlement de l’impôt sur le revenu; la totalité ou presque de l’utilisation des biens doit se faire dans un ou plusieurs des trois segments déterminés de la chaîne d’approvisionnement de VE (assemblage de VE, production de batteries de VE, production de matériaux actifs de cathode);
- obligation d’investir dans de la machinerie et du matériel – une société devra investir au moins 100 millions de dollars (elle-même, ou comme membre d’un groupe lié) en biens admissibles au CII pour la fabrication de technologies propres (FTP) dans chacun des trois segments déterminés de la chaîne d’approvisionnement de VE;
- règles sur la récupération – elles sont semblables aux règles actuelles sur la récupération pour le CCI pour la FTP; sur une période de 10 ans à compter de la date d’acquisition d’un bien admissible donné, le crédit pourrait être remboursable en proportion de la juste valeur marchande du bien si ce dernier est converti à une utilisation non admissible, est exporté du Canada ou fait l’objet d’une disposition (également remboursable si la société cesse de respecter d’autres conditions requises);
- application et élimination progressive – le bien doit être acquis et devenir prêt à être mis en service après le 31 décembre 2023; le taux du crédit de 10 % est réduit à 5 % pour les biens prêts à être mis en service en 2033 ou 2034 et et à néant après 2034.
Les autres éléments de conception s’appuieraient généralement sur ceux du CII pour la FTP, le cas échéant.
Remise canadienne sur le carbone pour les petites entreprises
L’énoncé économique propose de modifier certains éléments de la remise canadienne sur le carbone pour les petites entreprises, à partir de l’année 2024‑2025, et les années suivantes, par les moyens suivants :
- les sociétés coopératives et les coopératives de crédit deviendraient admissibles à la remise;
- la révision du calcul du nombre d’employés pour déterminer le paiement minimum (le même paiement de base sera versé à toutes les entreprises comptant jusqu’à 20 employés au Canada);
- la suppression progressive du montant du paiement de façon linéaire lorsque le nombre d’employés au Canada se situe entre 300 et 500, le montant du paiement étant nul lorsque la société compte 500 employés ou plus.
Mesures visant l’impôt sur le revenu des particuliers
Report par roulement des gains en capital relatif à des placements
Les règles actuelles de la Loi de l’impôt sur le revenu permettent aux particuliers de reporter l’impôt sur les gains en capital réalisés au moment de la disposition admissible d’actions déterminées de petite entreprise (ADPE) dans la mesure où le produit de la disposition sert à acquérir des ADPE de remplacement dans l’année de la disposition, ou jusqu’à 120 jours après cette année. Pour être admissible comme ADPE, l’action doit être une action ordinaire et la valeur comptable totale des actifs de la société exploitant une petite entreprise (SEPE) (et des sociétés liées) ne doit pas dépasser 50 millions de dollars immédiatement avant et immédiatement après l’émission de l’action.
L’énoncé économique propose, pour les dispositions admissibles qui surviennent après le 31 décembre 2024 :
- d’élargir la période pour acquérir les actions de remplacement de manière à englober l’année de la disposition et toute l’année civile qui suit l’année de la disposition.
- d’élargir la portée de ce qui est admissible comme ADPE pour inclure à la fois les actions ordinaires et les actions privilégiées et augmenter la valeur comptable totale maximale des actifs de la SEPE (et des sociétés liées) à 100 millions de dollars.
Prestation canadienne pour les personnes handicapées
Avec prise d’effet pour 2025 et les années suivantes, l’énoncé économique propose d’exempter les montants reçus aux termes de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées du revenu en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. Cela aidera à faire en sorte que les prestations et les programmes fondés sur le revenu (tant fédéraux que provinciaux ou territoriaux) ne soient pas réduits en raison des versements au titre de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées.
Supplément rural de la Remise canadienne sur le carbone
Les personnes qui habitent à l’extérieur d’une région métropolitaine de recensement (RMR), désignée par Statistique Canada, ont droit à un supplément rural représentant 20 % du montant de base de la Remise canadienne sur le carbone. L’énoncé économique propose d’étendre l’admissibilité au supplément rural aux personnes qui, au sein d’une RMR, résident dans une région rurale (comptant moins de 1 000 personnes) ou dans un petit centre de population (comptant au plus 30 000 personnes). Les changements proposés s’appliqueraient à l’année d’imposition 2024, ce qui signifie qu’ils s’appliqueraient aux versements à compter d’avril 2025.
Autres mesures
Déclaration par les organisations à but non lucratif
Afin d’améliorer la transparence dans le secteur des organisations à but non lucratif (« OBNL »), l’énoncé économique propose deux modifications, avec prise d’effet pour l’année 2026 et les années suivantes, afin d’élargir la catégorie des OBNL tenues de produire une déclaration annuelle. Une OBNL :
- sera tenue de produire une déclaration annuelle de renseignements si ses revenus bruts sont supérieurs à 50 000 $ pour un exercice;
- qui n’atteint pas les seuils pour la production d’une déclaration annuelle de renseignements des OBNL (par exemple, une petite OBNL) produira une nouvelle déclaration abrégée contenant des renseignements de base sur l’organisation .
Mesures fiscales annoncées antérieurement
L’énoncé économique confirme l’intention du gouvernement d’aller de l’avant avec les mesures annoncées dans son budget fédéral 2024 et avec les autres mesures annoncées antérieurement, dans leur version modifiée afin de tenir compte des consultations, dont :1
- les propositions législatives incluses dans l’avis de motion de voies et moyens déposé le 23 septembre 2024, relatives aux gains en capital et à l’exonération cumulative des gains en capital
- les propositions législatives publiées le 12 août 2024, notamment en ce qui concerne les mesures suivantes :
- l’incitatif aux entrepreneurs canadiens
- l’impôt minimum de remplacement et l’exemption fiscale accordée aux fiducies collectives des employés
- la portée des nouvelles exigences de déclaration des fiducies
- l’évitement de dettes fiscales
- les sociétés de placement à capital variable, les arrangements de capitaux propres synthétiques et la manipulation du statut de faillite
- la DPA accéléré pour les actifs qui améliorent la productivité et pour les logements construits expressément pour la location et les restrictions relatives à la déductibilité des intérêts
- les retenues d'impôt des fournisseurs de services non-résidents
- les SPCC en substance
- le CII pour l’EP, l’élargissement de l’admissibilité au CII dans les technologies propres (déchets de biomasse), le CII pour la FTP (extraction et transformation de ressources polymétalliques) et autres modifications relatives à divers crédits d’impôt à l’investissement
- la Loi sur l’impôt minimum mondial
- le Cadre de déclaration des cryptoactifs et la Norme commune de déclaration (budget fédéral de 2024)
- les modifications proposées aux règles sur les prix de transfert du Canada (document de consultation publié le 6 juin 2023)
- les modifications législatives additionnelles pour mettre en œuvre les règles sur les dispositions hybrides annoncées dans le budget fédéral 2021
- la suspension de l’accord fiscal Canada-Russie avec prise d’effet le 18 novembre 2024
1. Pour plus de détails sur ces mesures proposées, voir nos bulletins Point de vue fiscal :
- « Le ministère des Finances publie des propositions législatives pour hausser le taux d’inclusion des gains en capital » (mise à jour du 28 août 2024)
- « Budget fédéral de 2024 : Soutien au logement, hausse des impôts »
- « Le ministère des Finances propose de réduire la portée des nouvelles exigences de déclaration des fiducies » (mise à jour du 1er novembre 2024)
- « Le projet de loi C-59 sur le régime de restriction des dépenses excessives d’intérêts et de financement (RDEIF) » (mise à jour du 28 août 2024)
- « Crédits d’impôt à l’investissement pour l’économie propre (mise à jour d’août 2024) »
- « Le ministère des Finances publie des propositions législatives pour mettre en œuvre la règle relative aux profits insuffisamment imposés »
- « Le ministère des Finances entreprend une consultation sur la réforme et la modernisation des règles du Canada en matière de prix de transfert »