Point de vue fiscal : Transferts intergénérationnels d’entreprises – consultation et directives de l’Agence du revenu du Canada

13 mai, 2022

Numéro 2022-20F

En bref

Le 7 avril dernier, le budget 2022 du gouvernement fédéral annonçait une consultation sur les règles fiscales énoncées dans le projet de loi C-2081 concernant les transferts intergénérationnels de petites entreprises et de sociétés agricoles ou de pêche familiales. Le budget ne proposait aucune mesure spécifique pour répondre aux préoccupations du gouvernement selon lesquelles les modifications au projet de loi C-208 pourraient involontairement permettre le dépouillement du surplus sans véritable transfert intergénérationnel d’entreprise. 

De plus, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a récemment publié une page Web intitulée « Affidavits et évaluations relatifs au transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale (projet de loi C-208) », qui présente son interprétation des exigences du projet de loi C-2082, pour fournir au ministre : 

  • une évaluation indépendante de la juste valeur marchande (JVM) des actions transférées; 

  • un affidavit signé par le contribuable et par un tiers attestant de la disposition des actions.

Le présent bulletin Point de vue fiscal donne un aperçu de ces récentes annonces.

En détail

Contexte

Le projet de loi C-208, entré en vigueur le 29 juin 2021 (le jour où il a reçu la sanction royale), est un projet de loi émanant d’un député qui modifiait la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (LIR) dans le but d’atténuer le désavantage financier que subissaient généralement les contribuables qui vendaient leur entreprise ou leur société agricole ou de pêche familiale à leurs enfants ou petits-enfants, plutôt qu’à un tiers sans lien de dépendance. Ce désavantage était causé par certaines règles fiscales, notamment une règle anti-évitement prévue à l’article 84.1 de la LIR. Lorsque le projet de loi C-208 a été promulgué, le ministère des Finances a fait remarquer que la formulation utilisée dans la loi ne semblait pas fonctionner comme prévu et soulevait des préoccupations qui devraient probablement être abordées par le gouvernement par le biais d’autres modifications à la loi. Le Ministère a plus tard affirmé que le gouvernement fédéral avait l’intention de proposer des modifications législatives qui « respectent l’esprit du projet de loi C‑208 » pour s’assurer que la loi facilite les véritables transferts intergénérationnels d’actions, mais aussi « protègent contre les échappatoires fiscales imprévues que le projet de loi C‑208 aurait rendues possibles ». À la date de publication, aucune modification législative n’a été publiée concernant le projet de loi C-208. 

Pour de plus amples renseignements sur le projet de loi C-208 et sur les principales préoccupations et questions que le ministère des Finances devra aborder pour s’assurer que les résultats escomptés de la loi sont atteints, consultez notre bulletin Point de vue fiscal, « Allègement fiscal relatif aux transferts intergénérationnels de petites entreprises ou de sociétés agricoles familiales : comment s’appliqueront les nouvelles règles? » (mise à jour du 22 juillet 2021).

Budget fédéral 2022 – Consultation

Le budget fédéral 2022 ne proposait pas de mesures spécifiques pour répondre aux préoccupations du ministère des Finances concernant le projet de loi C-208. Il annonçait plutôt un processus de consultation visant à déterminer « la façon dont les règles actuelles pourraient être modifiées pour protéger l’intégrité du système fiscal tout en continuant de faciliter les véritables transferts intergénérationnels d’entreprises » et indiquait que le gouvernement s’est « engagé à présenter les mesures législatives requises pour régler ce problème, lesquelles pourraient être incluses dans un projet de loi déposé à l’automne, après le processus de consultation ». Les commentaires doivent parvenir au ministère des Finances au plus tard le 17 juin 2022.

Agence du revenu du Canada – Évaluations et affidavits

Le projet de loi C-208 a modifié le traitement fiscal de certains transferts d’actions :

  • admissibles de petite entreprise (AAPE); et 

  • du capital-actions d’une société agricole ou de pêche familiale;

de sorte que si un particulier transfère ces actions à une société contrôlée par un ou plusieurs de ses enfants ou petits-enfants, le transfert est imposé de la même manière qu’une vente sans lien de dépendance.

Les nouvelles règles exigent que le particulier qui transfère les actions fournisse à l’ARC :

  • une évaluation indépendante de la JVM des actions transférées;

  • un affidavit signé par le particulier et par un tiers attestant de la disposition des actions.

Les règles ne prévoient toutefois pas de date limite pour la fourniture de ces renseignements ni de conséquences spécifiques si les renseignements ne sont pas fournis.

En avril 2022, l’ARC a publié sur son site Web3 des informations concernant son interprétation de ces deux exigences.

Exigences relatives à une évaluation indépendante de la JVM

L’ARC précise qu’une évaluation indépendante de la JVM est une évaluation des actions qui doit être effectuée par une personne qui :

  • n’a aucun lien avec la société ou le vendeur et n’a aucun intérêt financier dans les opérations; et

  • possède des connaissances et de l’expérience suffisantes en matière d’évaluation et dans le secteur d’activité concerné.

Le contenu spécifique du rapport d’évaluation dépendra de la nature de la société, de son emplacement et de ses activités, et l’ARC suggère qu’il devrait généralement comprendre :

  • les calculs de la valeur (y compris une explication des calculs et la justification de la méthodologie);

  • l’analyse de l’entreprise, du secteur d’activité, de l’emplacement et de l’économie afin d’évaluer le risque;

  • l’évaluation du matériel agricole et du bétail, ainsi que des biens immobiliers;

  • l’analyse des droits et des restrictions relatifs aux actions de la société et des autres conventions (p. ex. les conventions d’actionnaires);

  • la description des hypothèses formulées pour effectuer l’analyse.

L’ARC déclare qu’un rapport qui répond aux normes de l’Institut des experts en évaluation d’entreprise satisfera à ses attentes, mais qu’il n’est pas nécessaire de faire appel à un expert en évaluation d’entreprise pour effectuer l’évaluation.

Exigences relatives à l’affidavit

La loi ne précise pas quels renseignements doivent figurer dans l’affidavit relatif à la disposition des actions. De l’avis de l’ARC, l’affidavit doit inclure :

  • le nom, l’adresse et le numéro d’assurance sociale (NAS) du particulier qui dispose des actions;

  • le nom et numéro d’entreprise (NE) de l’entité dont les actions ont fait l’objet de la disposition et de la société acheteuse;

  • la date de disposition des actions (vendues à la société acheteuse);
  • une attestation indiquant que :
    • les actions ayant fait l’objet de la disposition sont des AAPE ou des actions d’une société agricole ou de pêche familiale
    • les enfants ou les petits-enfants du particulier contrôlent la société acheteuse et ont au moins 18 ans
  • le nom et le NAS de chacun des enfants ou des petits-enfants qui contrôlent la société acheteuse;
  • la signature d’un commissaire à l’assermentation ou du notaire public et du particulier qui dispose des actions.

L’ARC ne fournit pas de formulaire spécifique, mais propose un modèle d’affidavit sur sa page Web. Un contribuable qui utilise l’exemple d’affidavit comme guide doit s’assurer que le libellé de l’affidavit indique que les déclarations concernant le statut des actions et le contrôle de la société acheteuse sont à la date de la disposition.

À retenir

Les modifications apportées à ces règles par le ministère des Finances pourraient potentiellement limiter l’accès au traitement fiscal avantageux actuellement offert, dans la mesure où des exigences d’admissibilité plus strictes sont introduites. Les parties intéressées doivent soumettre leurs commentaires au ministère des Finances (intergenerational-transfers-transferts-intergenerationnels@fin.gc.ca) au plus tard le 17 juin 2022. 

Les contribuables touchés par le projet de loi C-208 devraient consulter leur conseiller de PwC pour discuter des mesures à envisager avant que les modifications législatives qui doivent être adoptées ne mettent en œuvre des règles plus restrictives. Le ministère des Finances a déjà indiqué que toute modification législative résultant du processus de consultation ne serait pas rendue applicable avant la date de publication du projet de loi définitif.

 

1. Le projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale) [L.C. 2021, c. 21], a reçu la sanction royale le 29 juin 2021.
2. Nouvel alinéa 84.1(2.3)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu.
3. Page Web de l’ARC « Affidavits et évaluations relatifs au transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale (projet de loi C-208) » (avril 2022).

 

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