Numéro 2025-30F
En bref
Que s’est-il passé ?
Le 15 août 2025, le ministère des Finances a publié des propositions législatives pour modifier la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) et la Loi sur l’impôt minimum mondial (LIMM). Les positions législatives comprennent ce qui suit :
- de nouvelles règles relatives aux sociétés étrangères affiliées dans la LIR pour garantir que le montant approprié d’impôt sur le revenu ou sur les bénéfices payé par une société étrangère affiliée (SEA) d’un contribuable dans le cadre d’un régime d’impôt complémentaire minimum national (ICMN) soit pris en compte dans le calcul de la déduction dont peut bénéficier le contribuable au titre de l’impôt étranger accumulé (IEA) payé sur le revenu étranger accumulé, tiré de biens (REATB) de la SEA ; la réglementation sur le surplus des SEA est également modifiée afin de préciser comment l’impôt sur le revenu ou sur les bénéfices payé dans le cadre des régimes d’ICMN sera pris en compte dans le calcul du surplus ;
- des règles modifiées relatives au crédit pour impôt étranger dans la LIR afin de garantir que le montant approprié d’impôt sur le revenu ou sur les bénéfices payé par un contribuable dans le cadre des régimes d’ICMN soit pris en compte dans le calcul du montant de l’impôt sur le revenu des entreprises payé par un contribuable ;
- des modifications à la LIMM afin de mettre en œuvre certains concepts énoncés dans les directives administratives publiées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), notamment des règles qui limiteraient la possibilité d’utiliser certains actifs d’impôts différés générés avant que le groupe d’entreprises multinationales (EMN) ne soit assujetti aux règles du Pilier Deux1 ;
- une nouvelle règle dans la LIMM visant à mettre en œuvre une déconsolidation à l’égard des groupes d’EMN lorsqu’une société privée canadienne détient une participation majoritaire dans une ou plusieurs sociétés publiques canadiennes.
Le ministère des Finances a demandé aux parties intéressées de lui communiquer leurs commentaires sur les propositions législatives au plus tard le 12 septembre 2025.
Pourquoi est-ce pertinent ?
Les modifications proposées à la LIR visent à intégrer le régime des sociétés étrangères affiliées et les règles relatives au crédit pour impôt étranger à la LIMM. Les modifications proposées à la LIMM concernant les entités d’investissement privé pourraient avoir des répercussions importantes pour les sociétés privées et publiques canadiennes qui font partie du même groupe d’EMN.
Mesures à envisager
Les EMN qui sont assujetties à la LIMM devraient examiner ces propositions ainsi que déterminer l’incidence qu’elles pourraient avoir sur leurs obligations en matière de conformité fiscale en ce qui a trait à l’impôt des sociétés et à l’impôt minimum mondial. Les entités d’investissement privé et les entreprises publiques contrôlées par des entités d’investissement privé devraient examiner l’incidence possible de la règle de déconsolidation proposée sur leurs obligations de conformité au Pilier Deux.
En détail
Propositions relatives à la LIR
La LIR comprend plusieurs règles visant à prévenir la double imposition, en reconnaissant les impôts étrangers payés par les contribuables canadiens ou par leurs filiales. Plus précisément, quand :
- un contribuable canadien doit inclure dans son revenu le REATB d’une SEA contrôlée, les règles relatives à l’IEA prévoient généralement une déduction pour l’impôt étranger majoré payé sur ce REATB ;
- une société canadienne reçoit un dividende d’une SEA, qui est versé à partir du surplus imposable ou du surplus hybride de cette société affiliée, les règles relatives au montant intrinsèque d’impôt étranger (MIIE) et au montant intrinsèque d’impôt hybride (MIIH) prévoient généralement une déduction pour l’impôt étranger majoré payé sur ce surplus ;
- une société canadienne tire un revenu de source étrangère, les règles relatives au crédit pour impôt étranger prévoient généralement un crédit d’impôt pour l’impôt étranger payé sur ce revenu.
Les propositions modifient chacune de ces règles, afin de tenir compte des impôts payés en vertu des régimes d’ICMN des juridictions étrangères.
Les régimes d’ICMN déterminent l’impôt complémentaire à payer en utilisant une approche d’intégration juridictionnelle : les revenus et les impôts de tous les membres d’un groupe d’EMN situé dans la juridiction sont cumulés afin de déterminer l’impôt complémentaire total pour cette juridiction. Les régimes d’ICMN peuvent différer dans la manière dont cet impôt total à payer est attribué aux entités dans la juridiction. Certains régimes (comme l’ICMN canadien) attribuent l’impôt à payer au prorata, en fonction du montant du revenu ou des bénéfices réalisés par chaque entité (tel qu’il est établi en vertu du régime d’ICMN). D’autres régimes d’ICMN peuvent utiliser différentes méthodes d’attribution (p. ex., des attributions aux entités qui sont sous-imposées dans le cadre des régimes d’impôt sur le revenu ordinaire). Les propositions se concentrent donc sur l’attribution des impôts payés dans le cadre des régimes d’ICMN aux entités données (et des types donnés de revenus générés par ces entités).
Les règles proposées sont en vigueur à compter du 15 août 2025.
Modifications relatives à l’IEA et au surplus
Le traitement fiscal d’une SEA donnée dans le cadre d’un régime d’ICMN sera déterminé en fonction d’un critère en deux volets :
- Critère du revenu ou des bénéfices : L’impôt doit porter sur le revenu ou les bénéfices réalisés par la SEA donnée (conformément au régime d’ICMN). Ce critère suit l’attribution des impôts aux entités sous le régime d’ICMN : si un montant d’impôt complémentaire est attribué à la SEA donnée en vertu des règles du régime d’ICMN, ce montant d’impôt est considéré comme portant sur le revenu ou les bénéfices de la société affiliée en vertu des règles relatives à l’IEA et au surplus.
- Critères des activités : Pour être considéré comme un impôt payé au titre du REATB (ou d’un solde de surplus donné), l’impôt doit se rattacher au revenu ou aux bénéfices provenant des activités qui génèrent le REATB (ou le solde de surplus donné). Par exemple, si une SEA donnée exerce à la fois des activités commerciales actives et des activités générant un REATB, seuls les impôts complémentaires payés sur les revenus provenant des activités générant un REATB sont inclus dans l’IEA. De même, si une SEA exerce des activités générant un surplus imposable et des activités générant un surplus exonéré, seuls les impôts complémentaires payés sur le revenu provenant des activités générant un surplus imposable sont inclus dans le MIIE.
Les impôts payés dans le cadre d’un régime d’ICMN donné ne seront pas considérés comme un IEA, un MIIE ou un MIIH, si ce régime d’ICMN tient compte des impôts payés en vertu de la LIR (autres que la retenue d’impôt en vertu de la partie XIII de la LIR). Cela signifie que le taux d’imposition effectif (TIE) et les calculs de l’impôt complémentaire dans le cadre du régime d’ICMN ne peuvent pas tenir compte de l’impôt sur le revenu canadien payable en vertu de la LIR. Essentiellement, le régime d’ICMN doit avoir préséance sur le régime d’impôt sur le revenu canadien.
Les propositions comprennent plusieurs règles d’accompagnement, telles que les suivantes :
- Dans certains régimes d’ICMN, un membre du groupe d’EMN (la société affiliée principale) paie un impôt complémentaire au nom des autres membres du groupe (les sociétés affiliées secondaires). Si une société affiliée secondaire verse un paiement compensatoire à la société affiliée principale pour l’impôt payé sur le revenu ou les bénéfices de la société affiliée secondaire provenant d’activités générant un REATB, ce paiement compensatoire sera généralement traité comme un IEA de la société affiliée secondaire. Cette règle est basée sur les règles relatives aux surplus pour les régimes de consolidation fiscale, dont il est question ci-après.
- Des règles spéciales s’appliquent pour la détermination du surplus lorsqu’une société affiliée principale paie des impôts en vertu d’un régime d’ICMN pour le compte de sociétés affiliées secondaires. Ces règles s’apparentent aux règles existantes en matière de surplus pour les régimes de consolidation fiscale prévues aux paragraphes 5907(1.1) à (1.13) du Règlement. La société affiliée principale est réputée ne payer que l’impôt lié à ses propres activités. L’impôt restant réduit les soldes de surplus de la société affiliée principale en fonction du compte de surplus des sociétés affiliées secondaires auxquelles cet impôt se rapporte. Si une société affiliée secondaire effectue un paiement à la société affiliée principale au titre de son obligation fiscale, ce paiement est réputé être un impôt payé par la société affiliée secondaire et augmente les soldes de surplus de la société affiliée principale. Par conséquent, si un impôt complémentaire est payé au titre du surplus imposable ou du surplus hybride d’une société affiliée secondaire, une déduction du MIIE ou du MIIH ne pourra être demandée que si la société affiliée secondaire effectue un paiement compensatoire à la société affiliée principale.
- D’autres règles s’appliquent lorsque le revenu ou les bénéfices réalisés par un membre d’un groupe d’EMN (la société affiliée transparente) sont attribués à un membre supérieur du groupe (la société affiliée actionnaire) dans le cadre du régime de l’ICMN. Ces règles sont semblables aux règles existantes en matière de surplus pour les entités fiscalement transparentes prévues aux paragraphes 5907(1.091) et (1.092) du Règlement. La société affiliée actionnaire est réputée ne payer que l’impôt lié à ses propres activités. Le solde de l’impôt est considéré comme ayant été payé par la société affiliée transparente, qui l’attribue à ses soldes de surplus en fonction des activités auxquelles l’impôt se rapporte. Contrairement aux règles applicables aux régimes de consolidation fiscale, la société affiliée transparente n’est pas tenue de verser des paiements compensatoires à la société affiliée principale pour que les impôts payés par la société affiliée actionnaire au titre des montants inclus dans son surplus imposable ou dans son surplus hybride soient traités comme un MIIE ou un MIIH.
- Le calcul de l’impôt complémentaire dans le cadre d’un régime d’ICMN englobe toutes les entités du groupe situées dans cette juridiction, ce qui peut inclure des entités qui ne sont pas des SEA (p. ex. les entités qui font partie du groupe d’EMN, mais qui ne sont pas détenues directement ou indirectement par un membre du groupe canadien). Ces entités sont réputées être des SEA en vertu des règles d’attribution abordées ci-dessus. Toutes les activités des SEA réputées sont considérées être des activités qui généreraient un surplus exonéré, de sorte que tout impôt complémentaire découlant de ces activités est considéré comme un impôt sur le surplus exonéré.
Modifications relatives au crédit pour impôt étranger
Un régime étranger d’ICMN peut imposer le revenu d’un contribuable canadien (p. ex., si le contribuable tire un revenu d’un établissement stable étranger). Les propositions relatives au crédit pour impôt étranger établissent des règles pour demander des crédits pour impôt étranger pour ces impôts. Ces règles reposent sur un critère de répartition en deux volets, semblable aux critères dans les propositions relatives à l’IEA et au surplus susmentionnées.
- Critère du revenu ou des bénéfices : L’impôt doit être payable à l’égard du revenu ou des bénéfices du contribuable canadien (tel qu’ils sont établis en vertu du régime d’ICMN). Si le régime d’ICMN détermine effectivement le montant de l’impôt payable par le contribuable canadien sur son revenu, cette attribution est suivie pour ce critère. Si le régime d’ICMN ne prévoit pas d’attribution, le contribuable se voit attribuer une partie de l’impôt total payé par le groupe d’EMN dans le cadre du régime d’ICMN, en fonction de la part du contribuable du revenu total du groupe (telle qu’elle est établie en vertu de ce régime).
- Critère des activités : L’impôt payable en vertu d’un régime d’ICMN sera attribué à une entreprise exploitée dans le pays donné (et donc admissible au crédit d’impôt sur le revenu tiré d’une entreprise prévu au paragraphe 126(2) de la LIR) si cet impôt porte sur un revenu ou des bénéfices tirés d’activités dont le revenu serait inclus dans le calcul du revenu du contribuable tiré de l’exploitation d’une entreprise dans le pays. Les impôts relatifs à d’autres revenus ou bénéfices étrangers peuvent être admissibles au crédit d’impôt sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise prévu au paragraphe 126(1) de la LIR.
Les impôts payés dans le cadre d’un régime d’ICMN donné ne seront pas admissibles à un crédit pour impôt étranger si ce régime d’ICMN tient compte des impôts payés en vertu de la LIR (à l’exception de la retenue d’impôt prévue à la partie XIII de la LIR).
Propositions relatives à la LIMM
Déconsolidation d’un groupe privé
Les propositions prévoient une règle de déconsolidation pour certains groupes d’EMN dans lesquels une entité privée canadienne contrôle une société publique canadienne.
Cette règle s’applique à un groupe d’EMN qui comprend une « entité d’investissement privé ». Une entité d’investissement privé est une entité canadienne qui n’est pas cotée en bourse et qui détient une participation majoritaire dans une société publique canadienne. L’entité d’investissement privé dresse ses états financiers conformément aux Normes comptables pour les entreprises à capital fermé (NCECF) au Canada et choisit de dresser des états financiers non consolidés (un choix autorisé par les NCECF). Par conséquent, l’entité d’investissement privé ne dresse pas d’états financiers consolidés qui incluent la société publique.
En vertu de la LIMM, un groupe d’EMN comprend généralement une entité mère ultime (EMU) et les entités qui sont incluses dans les états financiers consolidés de l’EMU. Les règles de la LIMM comprennent un « critère de consolidation présumée », qui s’applique aux entités qui ne dressent pas d’états financiers consolidés. Ce critère consiste essentiellement à déterminer si l’entité en question serait consolidée avec d’autres entités si elle dressait des états financiers consolidés. En raison de ce critère, la composition d’un groupe d’EMN en vertu de la LIMM peut différer de celle du groupe consolidé reconnu pour les besoins de l’information financière. En vertu des règles existantes, l’entité d’investissement privé dans le scénario décrit ci-dessus serait généralement l’EMU d’un groupe d’EMN qui comprend la société publique, même si elle ne dresse pas d’états financiers consolidés incluant la société publique.
Les propositions modifient ce résultat, en déconsolidant l’entité d’investissement privé et la société publique en vertu de la LIMM. La règle proposée s’applique à un groupe d’EMN admissible (c.-à-d. un groupe assujetti aux règles de la LIMM) qui comprend une entité d’investissement privé. L’entité d’investissement privé et toutes les filiales privées sont considérées comme un groupe d’EMN distinct (le groupe privé) ; la société publique et ses filiales forment un deuxième groupe d’EMN (le groupe public). Chaque groupe est considéré comme un groupe d’EMN admissible. Par exemple, le groupe privé sera assujetti aux règles de la LIMM, même si son chiffre d’affaires annuel est inférieur au seuil de 750 millions d’euros. Une règle anti-évitement empêche l’application de la règle déterminative si une opération est effectuée dans l’objectif principal de causer l’application de cette règle.
Le groupe privé et le groupe public prépareront donc des calculs distincts de l’impôt complémentaire. Il semble que le groupe privé et le groupe public seront également traités comme des groupes d’EMN distincts à d’autres fins que la LIMM (par exemple, pour le régime de protection transitoire pour la déclaration pays par pays et pour la déclaration d’information en vertu des règles globales anti-érosion de la base d’imposition (GloBE)). On ne sait pas encore si d’autres juridictions adopteront des règles de déconsolidation similaires dans leur législation relative au Pilier Deux. Si d’autres juridictions n’adoptent pas de règles similaires, cela pourrait entraîner des conflits entre la LIMM et les régimes étrangers du Pilier Deux.
Autres mesures
Les propositions comprennent d’autres modifications à la LIMM, qui mettent principalement en œuvre les récentes modifications apportées au commentaire et aux directives administratives sur les règles modèles GloBE publiées par l’OCDE. Il s’agit notamment des modifications suivantes :
- les règles relatives à l’attribution transfrontalière des montants d’impôts différés ;
- les modifications aux règles pour :
- l’attribution des bénéfices et des impôts dans les structures impliquant des entités intermédiaires ou des entités hybrides ;
- l’attribution des impôts à payer dans le cadre des régimes intégrés de sociétés étrangères contrôlées ;
- la récupération relative aux passifs d’impôts différés.
- les règles sur les :
- divergences entre la valeur comptable des éléments du bilan pour les règles GloBE et à des fins comptables ;
- certains « actifs d’impôts différés exclus », qui ne sont pas pris en vertu des règles de transition GloBE et du régime de protection transitoire pour la déclaration pays par pays (avec une période de grâce permettant la comptabilisation de 20 % de certains actifs d’impôts différés).
Pour de plus amples renseignements sur ces modifications, consultez les numéros de décembre 2023, juin 2024 et janvier 2025 de notre bulletin Tax Policy Alerts (en anglais seulement) sur les directives administratives de l’OCDE.
Toutes les propositions relatives à la LIMM s’appliquent rétroactivement à la date d’entrée en vigueur initiale de la LIMM (c.-à-d. aux années d’imposition des groupes d’EMN admissibles qui commencent après le 30 décembre 2023).
À retenir
Les propositions de la LIMM concernant les entités d’investissement privé pourraient avoir une grande incidence sur les sociétés ouvertes canadiennes contrôlées par des entités privées canadiennes. Les contribuables concernés devraient examiner l’incidence que ces propositions pourraient avoir sur leurs impôts complémentaires à payer et leurs obligations en matière de conformité fiscale. Les propositions relatives à la LIR concernant les crédits pour impôt étranger et les déductions pour les impôts payés dans le cadre de régimes d’ICMN s’apparentent globalement aux règles existantes en matière de reconnaissance des impôts sur le revenu étranger. Toutefois, les contribuables assujettis à des régimes d’ICMN étrangers devraient examiner en détail les règles afin d’évaluer leur incidence sur leur groupe.
1. Pour plus d’informations, voir notre Tax Policy Alert « OECD publishes Pillar Two GloBE administrative guidance package ».