Analyse du budget 2018

En bref

Le 27 février 2018, le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, a présenté le troisième budget du gouvernement libéral. Dans ce Point de vue fiscal, nous présentons les initiatives fiscales proposées dans le budget.

En détail

Mesures fiscales pour les sociétés

Détention de placements passifs dans une société privée

En juillet 2017, le gouvernement a publié un document de consultation sur les stratégies de planification fiscale impliquant des sociétés privées. Dans ce document, et dans des annonces faites ultérieurement en octobre 2017, après la fin de la période de consultation, le gouvernement avait proposé d’apporter certains changements à l’imposition du revenu de placement passif gagné par des sociétés privées. En réaction aux commentaires exprimés par de nombreux Canadiens et Canadiennes ayant participé au processus de consultation voulant que les propositions puissent être très complexes et représenter un lourd fardeau pour les entreprises, le budget propose à présent une approche plus ciblée et simple pour limiter les avantages qui semblent être conférés par le report d’impôt relié à la détention de placements passifs dans une société privée. Deux mesures sont proposées :

Limiter l’accès au taux d’imposition des petites entreprises

La première mesure vise à limiter la capacité des entreprises qui disposent d’un revenu de placement important de tirer profit du plafond actuel de la déduction accordée aux petites entreprises de 500 000 $. Selon cette proposition, si une société gagne plus de 50 000 $ en revenu passif au cours d’une année (incluant le revenu passif de toutes sociétés associées), le montant admissible pour la déduction accordée aux petites entreprises sera réduit graduellement. En particulier, le plafond de la déduction accordée aux petites entreprises sera réduit de 5 $ pour chaque 1 $ de revenu de placement supérieur à 50 000 $, de telle sorte qu’il sera réduit à zéro à 150 000 $ de revenu de placement. Les gains en capital imposables réalisés sur la vente de placements actifs ainsi que le revenu de placement gagné qui est accessoire à une entreprise exploitée activement ne seront pas pris en compte par cette mesure.

Aux fins de la nouvelle réduction du plafond des affaires d’une petite entreprise, le revenu de placement du groupe de sociétés associées sera calculé en tant que « revenu de placement total ajusté », lequel correspond de façon générale au « revenu de placement total », tel qu’il est défini actuellement, mais modifié pour certains éléments, afin de :

  • ne pas inclure les gains ou les pertes en capital imposables provenant de la disposition de biens utilisés principalement dans une entreprise exploitée activement au Canada, une action d’une société exploitant une petite entreprise admissible telle qu’elle est définie pour l’exemption pour gains en capital, ou une participation dans certaines sociétés de personnes qui satisfont à des critères semblables à ceux utilisés dans la définition des actions de société exploitant une petite entreprise admissible;
  • ne pas inclure une réduction pour les pertes en capital nettes qui ont été déduites au cours d’autres années d’imposition;
  • inclure les dividendes imposables reçus de sociétés non rattachées;
  • inclure le revenu tiré de l’épargne accumulée dans des polices d’assurance vie qui ne sont pas des polices exonérées.

La nouvelle réduction, qui s’appliquera aux années d’imposition qui commencent après 2018, fonctionnera en tandem avec la réduction du plafond des affaires existante, qui s’applique à l’égard du capital imposable excédant 10 M$. La réduction du plafond des affaires d’une société pour une année sera égale au montant le plus élevé de la nouvelle réduction et de la réduction en application des dispositions existantes.

Limiter l’accès à l’impôt remboursable

La deuxième mesure vise à limiter l’avantage fiscal qu’une société privée sous contrôle canadien (SPCC) peut obtenir actuellement en se prévalant d’impôts remboursables au moment de verser des dividendes déterminés. Le budget propose qu’une SPCC n’ait droit à un remboursement des impôts payés sur un revenu de placement que si elle verse des dividendes non déterminés. Un compte d’IMRTD déterminé sera adopté et les impôts de la partie IV remboursables payés sur les dividendes de portefeuille déterminés seront consignés dans ce compte. Le compte d’IMRTD actuel deviendra le compte d’IMRTD non déterminé et il servira à consigner les impôts remboursables versés sur le revenu de placement (y compris les gains en capital imposables) et l’impôt de la partie IV sur les dividendes non déterminés.

Un remboursement de l’IMRTD non déterminé ne pourra être obtenu que lors du paiement de dividendes non déterminés. Un remboursement de l’IMRTD déterminé sera obtenu à la suite du versement de n’importe quel dividende imposable (déterminé ou non déterminé), sauf que dans le cas d’un dividende non déterminé, il faut récupérer d’abord tout solde du compte d’IMRTD non déterminé avant de récupérer l’IMRTD déterminé. Les dividendes reçus d’une société rattachée continueront de produire un impôt de la partie IV jusqu’à concurrence du remboursement de dividende obtenu par la société payante, mais l’impôt de la partie IV payé sera ajouté au nouveau compte d’IMRTD du bénéficiaire depuis lequel la société payante a obtenu son remboursement.

Prise d’effet et transition

Cette mesure s’applique aux années d’imposition commençant après 2018. En tant que mesure transitoire, le compte initial d’IMRTD déterminé d’une SPCC sera généralement égal au montant le moins élevé entre son solde d’IMRTD existant et 38,33 % de son compte de revenu à taux général. Tout solde restant du compte d’IMRTD sera affecté au compte initial d’IMRTD non déterminé. Pour toute autre société, tout solde existant d’IMRTD de la société sera affecté au premier compte initial d’IMRTD déterminé.

Règles sur les fractions à risques pour les paliers de sociétés de personnes

En général, le revenu ou la perte d’une société de personnes est attribué à ses associés qui, à leur tour, sont tenus d’inclure (ou de déduire) le montant dans le calcul de leur propre revenu. Dans le cas du commanditaire d’une société de personnes, toutes pertes de la société de personnes qui lui sont attribuées peuvent être déduites uniquement dans la mesure où le commanditaire a investi dans la société de personnes un capital qui est à risques. Lorsqu’une perte n’est pas admissible à être déduite par le commanditaire, ce dernier peut généralement reporter la perte en avant indéfiniment, jusqu’à une année ultérieure au cours de laquelle le commanditaire a investi une fraction à risques positive dans la société de personnes et il a un revenu imposable.

Le budget propose de se prononcer sur une récente décision de la Cour d’appel fédérale qui statuait que les « règles sur les fractions à risques » ne s’appliquaient généralement pas à une société de personnes qui est elle-même un commanditaire d’une autre société de personnes. Les règles sur les fractions à risques seront élargies afin de garantir que les pertes attribuées à un commanditaire qui est une société de personnes de palier supérieur qui dépassent sa fraction à risques dans la société de personnes de palier inférieur seront refusées et ne pourront pas être reportées à des années d’imposition futures. Au contraire, les pertes ne réduiront pas le prix de base rajusté de la participation de la société de personnes dans la société de personnes de palier inférieur, de sorte que ces pertes donneront à présent lieu à un gain en capital plus bas ou à une perte en capital plus élevée à la disposition finale de la participation dans la société de personnes.

Les mesures susmentionnées s’appliqueront aux années d’imposition qui se terminent le 27 février 2018 ou après, y compris pour les pertes réalisées au cours des années d’imposition qui se terminent avant le 27 février 2018. En particulier, les pertes qui ont été attribuées à un commanditaire, qui est lui-même une société de personnes, pour une année d’imposition qui s’est terminée avant le 27 février, n’auront pas le droit d’être reportées à une année d’imposition qui se termine le 27 février 2018 ou après.

Aide fiscale pour l’énergie propre

La catégorie 43.2 prévoit une déduction pour amortissement accéléré pour les investissements dans du matériel de production et de conservation d’énergie propre visé. Le budget prolonge de cinq ans l’admissibilité à la catégorie 43.2 de manière à ce qu’elle soit disponible pour les biens acquis avant 2025.

Pertes artificielles obtenues au moyen d’arrangements financiers fondés sur des capitaux propres

Le budget propose d’élargir les règles existantes sur les arrangements de capitaux propres synthétiques et sur les mécanismes de prêt de valeurs mobilières (MPVM) afin d’empêcher les contribuables de réaliser des pertes fiscales artificielles au moyen d’arrangements financiers fondés sur des capitaux propres pour contourner ces règles. Le budget propose :

  • de modifier l’exception aux règles sur les arrangements de capitaux propres synthétiques qui s’applique lorsqu’il n’y a pas d’investisseur indifférent relativement à l’impôt afin de préciser que l’exception ne peut pas être satisfaite lorsqu’un investisseur indifférent relativement à l’impôt obtient en totalité ou en presque totalité les possibilités de subir des pertes et de réaliser des gains ou des bénéfices relativement à une action, de quelque manière que ce soit, y compris dans le cas où l’investisseur indifférent relativement à l’impôt n’a pas conclu un arrangement de capitaux propres synthétiques ou un arrangement de capitaux propres synthétiques déterminé relativement à l’action;
  • d’élargir la définition des MPVM pour inclure les arrangements qui, en substance, sont semblables à ceux qui satisfont à cette définition;
  • de clarifier que les deux règles existantes qui régissent la déductibilité des paiements compensatoires pour dividendes ne s’appliquent pas toutes les deux au même paiement.

La première mesure s’applique aux dividendes qui sont payés ou deviennent payables à compter du 27 février 2018. Les deuxième et troisième mesures s’appliquent aux paiements compensatoires pour dividendes faits à compter du 27 février 2018, sauf si le mécanisme de prêt ou de rachat de valeurs mobilières était en place avant le 27 février 2018, dans lequel cas les mesures s’appliqueront pour les paiements compensatoires pour dividendes faits après septembre 2018.

Règle sur la minimisation des pertes dans les opérations de rachat d’actions

Le budget 2011 a instauré des règles sur la minimisation des pertes pour dividendes applicables aux actions détenues par des institutions financières en tant que bien évalué à la valeur du marché. Ces règles s’appliquent lorsqu’une institution financière est réputée avoir reçu un dividende à la suite d’un rachat d’actions, afin de refuser la perte si le coût original des actions excède le capital versé. L’institution peut demander la perte jusqu’à concurrence du revenu évalué à la valeur du marché réalisé antérieurement sur les actions, selon l’hypothèse que l’institution a déjà versé l’impôt sur ce revenu. Or, dans la plupart des cas, les actions rachetées sont entièrement couvertes et le revenu évalué à la valeur du marché réalisé sur les actions est entièrement compensé par l’opération de couverture.

Le budget propose de réduire la perte fiscale réalisée à la suite d’un rachat d’actions du montant du dividende réputé avoir été reçu lors de ce rachat, lorsque ce dividende est admissible à la déduction pour dividendes intersociétés.

Fiducies de santé et de bien-être

Le budget propose qu’un seul ensemble de règles s’applique aux fiducies de santé et de bien-être (dont le traitement fiscal est défini dans les positions administratives de l’Agence du revenu du Canada [ARC]) et aux fiducies de soins de santé au bénéfice d’employés (pour lesquelles les règles sont établies dans la Loi de l’impôt sur le revenu [LIR]). Après la fin de 2020, l’ARC n’appliquera plus ses positions administratives concernant les fiducies de santé et de bien-être. Des règles transitoires seront ajoutées afin de faciliter la conversion des fiducies de santé et de bien-être existantes en fiducies de soins de santé au bénéfice d’employés. Les fiducies qui ne sont pas converties en fiducies de soins de santé au bénéfice d’employés (ou liquidées) seront assujetties aux règles normales de l’impôt sur le revenu pour les fiducies. Les fiducies de santé et de bien-être établies après le 27 février 2018 ne seront plus assujetties aux positions administratives de l’ARC. Les parties intéressées sont invitées à présenter leurs commentaires sur les règles transitoires d’ici le 29 juin 2018. L’avant-projet de loi suivra.

Réforme fiscale des États-Unis

Le budget ne traite pas spécifiquement de la réforme fiscale des États-Unis. Cependant, il indique qu’« [a]u cours des mois à venir, le ministère des Finances du Canada réalisera une analyse détaillée de la réforme fiscale fédérale américaine afin d’évaluer ses répercussions possibles sur le Canada ».

Mesures visant la fiscalité internationale

Dépouillement de surplus transfrontalier au moyen de sociétés de personnes et de fiducies

Les règles actuelles sur le dépouillement de surplus transfrontalier visent à empêcher qu’un actionnaire non résident puisse effectuer des opérations afin d’extraire en franchise d’impôt le surplus d’une société canadienne au-delà du capital versé de ses actions ou de faire augmenter artificiellement un tel capital versé.

Les règles actuelles ne traitent pas expressément de certaines réorganisations internes créant des situations où un non-résident dispose d’une participation dans une société de personnes qui détient des actions d’une société canadienne en cause à une société canadienne acheteuse ni d’une planification semblable impliquant des fiducies. Une règle correspondante sur l’immigration de sociétés peut s’avérer inefficace dans de tels cas.

Le budget propose de modifier ces dispositions afin d’ajouter des règles de transparence détaillées pour les sociétés de personnes et les fiducies, afin de s’assurer que les règles ne puissent pas être évitées de façon inappropriée. Ces règles attribueront l’actif, le passif et les opérations d’une société de personnes ou d’une fiducie à ses membres ou bénéficiaires, selon le cas, en fonction de la juste valeur marchande relative de leurs participations.

Cette mesure s’appliquera aux opérations qui ont lieu le 27 février 2018 ou après.

Sociétés étrangères affiliées

Définition d’entreprise de placement

En général, le revenu d’une société étrangère affiliée provenant d’une entreprise de placement est inclus au revenu étranger accumulé, tiré de biens (REATB). Cependant, une entreprise de placement ne comprend pas une entreprise exploitée par une société étrangère affiliée si certaines conditions sont satisfaites. Une de ces conditions, en termes généraux, est que la société affiliée emploie plus de cinq employés à plein-temps ou l’équivalent (critère des six employés) pour assurer la conduite active de l’entreprise.

Le budget propose d’introduire une règle aux fins de la définition d’entreprise de placement de sorte que, lorsque le revenu attribuable à des activités particulières effectuées par une société étrangère affiliée s’accumule au bénéfice d’un contribuable particulier en vertu d’un arrangement de référence, ces activités exercées dans le but de tirer un tel revenu seront réputées faire partie d’une entreprise distincte exploitée par la société affiliée.

Chacune de ces « entreprises distinctes réputées » de la société affiliée devra donc satisfaire à chacune des conditions pertinentes dans la définition d’entreprise de placement, y compris le critère des six employés, afin de permettre d’exclure du REATB le revenu de la société affiliée tiré de cette entreprise.

Cette mesure s’appliquera aux années d’imposition de la société étrangère affiliée d’un contribuable qui commencent le
27 février 2018 ou après.

Statut de société étrangère affiliée contrôlée

Le REATB d’une société étrangère affiliée d’un contribuable est inclus au revenu du contribuable selon la comptabilité d’exercice uniquement lorsque la société affiliée est une société étrangère affiliée contrôlée du contribuable.

Le budget propose qu’une société étrangère affiliée d’un contribuable soit réputée être une société étrangère affiliée contrôlée du contribuable si le REATB attribuable aux activités particulières de la société étrangère affiliée s’accumule au bénéfice du contribuable en vertu d’un arrangement de référence.

Cette mesure s’appliquera aux années d’imposition d’une société étrangère affiliée d’un contribuable qui commencent le 27 février 2018 ou après.

Commerce de dettes

Lorsque l’objet principal d’une entreprise exploitée par une société étrangère affiliée d’un contribuable est de tirer un revenu du commerce de dettes, le revenu de cette entreprise est généralement traité comme un REATB de la société affiliée. Des règles semblables s’appliquent pour s’assurer que le revenu tiré d’une entreprise de placement est généralement inclus au REATB d’une société étrangère affiliée. Ces deux ensembles de règles prévoient des exceptions relatives à certaines institutions financières étrangères réglementées.

Une condition prévue dans les règles sur les entreprises de placement exige qu’un contribuable satisfasse à certaines exigences minimales en matière de capital pour être admissible à l’exception visant les institutions financières étrangères réglementées. Afin d’assurer une plus grande cohérence avec les règles visant les entreprises de placement, le budget propose d’ajouter une exigence minimale en matière de capital semblable aux règles visant le commerce des dettes.

Cette mesure s’appliquera aux années d’imposition d’une société étrangère affiliée d’un contribuable qui commencent le 27 février 2018 ou après.

Nouvelles cotisations

Le budget propose de prolonger de trois ans la période de nouvelle cotisation pour un contribuable concernant le revenu obtenu relativement à une société étrangère affiliée du contribuable.

Cette mesure s’appliquera aux années d’imposition d’un contribuable qui commencent le 27 février 2018 ou après.

Exigences en matière de déclaration de renseignements

Le budget propose de faire correspondre la date limite de production de la déclaration de renseignements relative aux sociétés étrangères affiliées d’un contribuable avec la date limite de production de la déclaration de revenus du contribuable en exigeant que les déclarations de renseignements soient produites dans les six mois après la fin de l’année d’imposition.

Cette mesure s’appliquera aux années d’imposition d’un contribuable qui commencent après 2019.

Période de nouvelle cotisation – Demandes péremptoires de renseignements et ordonnances d’exécution

Le budget propose d’ajouter une règle de suspension de la prescription qui prolonge la période de nouvelle cotisation d’un contribuable lorsqu’une demande péremptoire de renseignements (à l’exclusion de renseignements se trouvant à l’étranger, pour lesquels une règle de suspension de la prescription existe déjà) ou une ordonnance d’exécution est contestée en cour. La période de nouvelle cotisation est prolongée d’une durée correspondant à la période de contestation de la demande péremptoire ou de l’ordonnance d’exécution. La règle actuelle de suspension de la prescription pour les renseignements se trouvant à l’étranger continuera de s’appliquer.

Période de nouvelle cotisation – Personnes non résidentes ayant un lien de dépendance

Le budget propose de prolonger de trois ans la période de nouvelle cotisation d’un contribuable, dans la mesure où la nouvelle cotisation concerne le report rétrospectif d’une perte déclarée antérieurement, lorsque la nouvelle cotisation est établie relativement à une perte découlant d’une opération impliquant un contribuable et une personne non résidente avec laquelle le contribuable a un lien de dépendance. Cette mesure s’appliquera à l’égard des années d’imposition dans lesquelles une perte reportée à une année antérieure est demandée, lorsque cette perte est reportée d’une année d’imposition qui se termine le 26 février 2018 ou après.

Communication de renseignements dans le cadre d’affaires pénales

Afin de faciliter la communication de renseignements liés à des infractions fiscales en vertu de conventions fiscales, d’accords d’échange de renseignements fiscaux et de la Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale signés par le Canada, le budget propose de permettre à l’ARC de recourir aux outils juridiques disponibles en vertu de la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle.

Le budget propose également de permettre l’échange de renseignements fiscaux avec les partenaires d’entraide juridique du Canada relativement aux actes qui, s’ils étaient commis au Canada, seraient des actes de terrorisme, du crime organisé, de blanchiment d’argent, de produits de la criminalité ou des infractions désignées.

Les propositions permettront aussi la communication de renseignements confidentiels en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise et de la Loi de 2001 sur l’accise aux policiers canadiens relativement aux infractions où une telle communication est actuellement permise relativement aux renseignements sur les contribuables en vertu de la LIR.

Évitement fiscal international – Érosion de la base d’imposition et transfert des bénéfices

Le gouvernement confirme sa détermination à protéger le régime fiscal du Canada et demeure un participant actif du projet conjoint de l’Organisation de coopération et de développement économique et du Groupe des 20 (OCDE/G20) visant à lutter contre le transfert inapproprié de bénéfices réalisés à l’étranger et d’autres planifications fiscales internationales par des sociétés ou des personnes riches visant à éviter l’impôt. Ce projet est connu sous le nom d’initiative contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. Le gouvernement poursuit sa collaboration avec ses partenaires de la scène internationale afin d’améliorer la résolution de différends internationaux et d’assurer une réponse cohérente et uniforme à l’évitement fiscal transfrontalier.

Mesures visant l’impôt des particuliers

Exigences en matière de déclaration pour les fiducies

Le budget propose de nouvelles exigences en matière de déclaration, et des pénalités connexes pour non-conformité, pour les années d’imposition 2021 et suivantes, qui obligeront une fiducie à déclarer l’identité de tous les fiduciaires, bénéficiaires et constituants de la fiducie, ainsi que l’identité de chaque personne qui possède la capacité d’exercer un contrôle sur les décisions du fiduciaire concernant l’affectation du revenu ou des capitaux de la fiducie (p. ex. un protecteur). Cela créera l’obligation de produire un feuillet T3 « Déclaration de renseignements et de revenus des fiducies » pour certaines fiducies alors qu’il n’existe actuellement aucune exigence de production. Les nouvelles exigences en matière de déclaration s’appliqueront à certaines fiducies résidant au Canada, ainsi qu’aux fiducies non résidentes qui sont actuellement tenues de produire une déclaration T3.

Les exceptions à l’obligation de produire une déclaration sont notamment les suivantes :  

  • les fiducies de fonds commun de placement, les fonds réservés et les fiducies principales;
  • les fiducies régies par des régimes enregistrés (notamment les régimes enregistrés d’épargne-retraite et les comptes d’épargne libre d’impôt);
  • les comptes en fidéicommis ou en fiducie des avocats;
  • les successions assujetties à l’imposition à taux progressifs et les fiducies admissibles pour personne handicapée;
  • les fiducies admissibles à titre d’organismes à but non lucratif ou d’organismes de bienfaisance enregistrés;
  • les fiducies qui existent depuis moins de trois mois ou qui détiennent moins de 50 000 $ en actifs (et qui se limitent aux dépôts, aux titres de créance gouvernementale et aux titres cotés) tout au long de l’année d’imposition.

Les pénalités pour défaut de produire la déclaration T3, y compris l’annexe sur la propriété effective, seront de 25 $ par jour, avec une pénalité minimum de 100 $ et maximum de 2 500 $. Des pénalités pour faute lourde pouvant aller jusqu’à 5 % de la juste valeur marchande maximum des actifs détenus dans la fiducie au cours de l’année pourront également s’appliquer.

Crédit d’impôt pour exploration minière pour les détenteurs d’actions accréditives

Le budget propose de prolonger d’une année l’admissibilité au crédit d’impôt pour exploration minière de manière à inclure les conventions d’émission d’actions accréditives conclues avant le 1er avril 2019.

Allocation canadienne pour le travail

La Prestation fiscale pour le revenu de travail, un crédit d’impôt remboursable, sera renommée Allocation canadienne pour le travail et sera bonifiée à compter de 2019 (indexée par la suite). Un supplément pour personne handicapée de l’Allocation canadienne pour le travail sera également bonifié. À compter de 2019, l’ARC déterminera si un particulier est admissible à l’allocation et établira une cotisation comme si l’allocation avait été demandée, même s’il n’en a pas fait la demande au moment de la production. Pour les couples admissibles qui ne présentent pas de demande, l’ARC désignera le particulier qui recevra l’allocation.

Crédit d’impôt pour frais médicaux – Frais admissibles

Le crédit d’impôt pour frais médicaux sera élargi afin d’inclure les frais admissibles engagés après 2017 relativement à un animal spécialement dressé pour exécuter des tâches pour un patient ayant une déficience mentale grave et aider le patient à composer avec son état (p. ex. un chien d’assistance psychiatrique dressé pour assister une personne atteinte de l’état de stress post-traumatique). Les frais ne seront pas admissibles s’ils visent un animal qui ne procure qu’un réconfort ou un soutien affectif.

Régime enregistré d’épargne-invalidité – Titulaires admissibles

Lorsqu’un particulier adulte n’a pas la capacité de conclure un contrat, la LIR exige que le titulaire du régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI) du particulier soit le représentant légal du particulier, tel qu’il est reconnu en vertu des lois provinciales ou territoriales. Puisque la nomination d’un représentant légal peut prendre du temps, il existe une mesure fédérale temporaire qui permet à un membre de la famille admissible de devenir titulaire du REEI du particulier, si le particulier adulte n’a pas de représentant légal. Le budget prolonge de cinq ans cette mesure temporaire, soit jusqu’à la fin de 2023. Un membre de la famille admissible qui devient titulaire du régime avant la fin de 2023 peut demeurer le titulaire du régime après 2023.

Déductibilité des cotisations des employés à la partie bonifiée du Régime de rentes du Québec

Le gouvernement du Québec a annoncé dernièrement la bonification du Régime de rentes du Québec (RRQ) d’une manière semblable à la bonification du Régime de pensions du Canada (RPC) annoncée en 2016. Afin d’assurer un traitement uniforme de l’impôt pour les cotisations au RPC et au RRQ, le budget propose de modifier la LIR afin de permettre une déduction pour les cotisations des employés à la partie bonifiée du RRQ. Cette mesure s’appliquera à compter de l’année d’imposition 2019.

Prestations pour enfants

Admissibilité rétroactive des Indiens inscrits nés à l’étranger

Depuis juillet 2016, les Indiens inscrits nés à l’étranger résidant légalement au Canada, qui ne sont pas citoyens canadiens ni résidents permanents, pouvaient recevoir l’Allocation canadienne pour enfants (ACE) lorsque tous les autres critères d’admissibilité étaient respectés. Ces personnes n’étaient pas admissibles aux programmes antérieurs à ceux de l’ACE. Le budget propose de rendre ces personnes rétroactivement admissibles du 1er janvier 2005 au 30 juin 2016 aux programmes antérieurs à ceux de l’ACE.

Accès des provinces et des territoires aux renseignements confidentiels

Le budget propose de permettre au gouvernement de partager avec les provinces et les territoires des renseignements confidentiels liés à l’ACE à compter du 1er juillet 2018, dans le but unique d’administrer les régimes d’aide sociale.

Organismes de bienfaisance – Diverses questions techniques

Les municipalités à titre de donataires admissibles

Si un organisme de bienfaisance perd son statut d’organisme de bienfaisance enregistré, un impôt de révocation de 100 % sur la valeur nette des biens de l’organisme de bienfaisance peut être imposé. L’organisme de bienfaisance peut réduire cet impôt en effectuant des dépenses admissibles, y compris des dons à des « donataires admissibles » (généralement un organisme de bienfaisance sans lien de dépendance en règle). Dans certains cas, il se peut que l’organisme de bienfaisance n’arrive pas à trouver de donataire admissible. Le budget propose de modifier la LIR afin que les transferts de biens à des municipalités effectués après le 26 février 2018 soient considérés comme des dépenses reconnues aux fins de l’impôt de révocation, sous réserve de l’approbation de la ministre du Revenu national, au cas par cas.

Universités à l’extérieur du Canada

Depuis 2011, certaines catégories de « donataires reconnus » aux fins des crédits d’impôt pour dons, y compris les universités à l’extérieur du Canada, doivent s’inscrire auprès de l’ARC. À compter du 27 février 2018, afin d’éliminer le besoin des deux listes, le budget propose d’éliminer l’exigence que les universités à l’extérieur du Canada soient visées par le Règlement de l’impôt sur le revenu.

Mesures visant les taxes de vente et d’accise

La TPS/TVH et les sociétés en commandite de placement

Le budget confirme l’intention du gouvernement de donner suite aux propositions législatives et réglementaires préliminaires du 8 septembre 2017 sur la TPS/TVH relatives aux sociétés en commandite de placement, avec les modifications suivantes :

  • La TPS/TVH s’appliquera aux services de gestion et d’administration rendus par le commandité à une société en commandite de placement après le 7 septembre 2017, et non aux services rendus avant le 8 septembre 2017, à moins que le commandité n’ait facturé la TPS/TVH à l’égard de ces services avant cette date (les propositions du 8 septembre 2017 s’appliquaient aux services de gestion et d’administration si la contrepartie était devenue exigible ou payée après le 7 septembre 2017); le budget propose également que la TPS/TVH soit généralement payable sur la juste valeur marchande des services de gestion et d’administration au cours de la période où ces services sont rendus.
  • Une société en commandite de placement peut faire un choix afin de devancer l’application des règles spéciales relatives à la TVH au 1er janvier 2018 (les propositions du 8 septembre 2017 avaient étendu les règles spéciales relatives à la TVH qui s’appliquent actuellement aux régimes de placement aux sociétés en commandite de placement à compter du 1er janvier 2019).

Consultations sur les règles relatives à la TPS/TVH pour les sociétés de portefeuille

Une règle relative à la TPS/TVH, communément appelée la « règle pour les sociétés de portefeuille », permet habituellement à une personne morale mère de demander des crédits de taxe sur les intrants afin de récupérer la TPS/TVH payée relativement aux dépenses qui se rapportent à une autre personne morale. La règle prévoit que, si une personne morale mère résidant au Canada engage des dépenses qui peuvent raisonnablement avoir un lien avec des actions ou l’endettement d’une personne morale d’exploitation commerciale et que la personne morale mère est liée à la personne morale d’exploitation commerciale, les dépenses sont généralement réputées avoir été engagées relativement aux activités commerciales de la personne morale mère.

Le gouvernement a l’intention de mener des consultations sur cette règle, particulièrement quant aux limites de la règle aux sociétés et au degré de relation requis entre la personne morale mère et la personne morale d’exploitation commerciale. Le gouvernement a aussi l’intention de donner plus de précisions sur les dépenses de la personne morale mère qui ont un lien avec les actions ou l’endettement d’une personne morale d’exploitation commerciale liée qui sont admissibles aux crédits de taxe sur les intrants en vertu de cette règle. Des documents de consultation et des propositions législatives préliminaires seront publiés dans un avenir rapproché, pour commentaire du public.

Taxation du tabac

À compter du 28 février 2018, les taux du droit d’accise sur les cigarettes et les autres produits du tabac augmenteront, et ces taux seront ajustés en fonction de l’inflation chaque année (au lieu de tous les cinq ans) à compter du 1er avril 2019.

De plus, les stocks de cigarettes détenus par les fabricants, les importateurs, les grossistes et les détaillants à la fin du 27 février 2018 seront assujettis à une taxe sur les stocks de 0,011468 $ par cigarette (sous réserve de certaines exemptions). Les contribuables auront jusqu’au 30 avril 2018 pour produire leur déclaration et payer la taxe sur les stocks.

Taxation du cannabis

Le budget propose un nouveau cadre fédéral de droit d’accise pour les produits du cannabis, qui entrera en vigueur lorsque le cannabis non médicinal sera mis en vente légalement. En général, le droit s’appliquera à tous les produits disponibles en vente légale. Les cultivateurs et fabricants de cannabis devront obtenir une licence de cannabis auprès de l’ARC. Des droits d’accise seront imposés aux producteurs sous licence fédérale – le droit d’accise sera le plus élevé entre un taux uniforme appliqué sur la quantité de cannabis contenue dans un produit final et un pourcentage de la somme passible de droits du produit tel que vendu par le producteur. En outre, les règles visant la TPS/TVH sur les produits alimentaires de base seront modifiées afin de s’assurer que la vente de produits du cannabis qui seraient autrement considérés comme des produits alimentaires de base soit assujettie à la TPS/TVH, de la même manière que la vente d’autres types de produits du cannabis.

Mesures annoncées antérieurement

Le budget confirme que le gouvernement ira de l’avant avec les mesures suivantes annoncées antérieurement, tel qu’elles ont été modifiées afin de tenir compte des consultations et des délibérations qui ont eu lieu depuis leur annonce ou leur publication :

  • les mesures du budget 2016 relatives au choix des coentreprises en matière de TPS/TVH;
  • les mesures en matière d’impôt du budget 2016 élargissant l’aide fiscale pour les bornes de recharge des véhicules électriques et l’équipement de stockage d’énergie électrique, ainsi que sur les exigences en matière d’information pour certaines dispositions d’un intérêt dans une police d’assurance vie;
  • les modifications législatives techniques en matière d’impôt publiées le 16 septembre 2016 relativement à une division d’une société en vertu de lois étrangères et aux exigences pour être une action visée par règlement;
  • les autres propositions législatives et réglementaires publiées le 8 septembre 2017 relativement à la TPS/TVH;
  • la mesure en matière d’impôt annoncée le 16 octobre 2017 afin de réduire le taux d’imposition des petites entreprises de 10,5 % à 10 % le 1er janvier 2018 et à 9 % le 1er janvier 2019 (elle figurait dans un Avis de motion de voies et moyens déposé le 24 octobre 2017, de même que des modifications connexes au montant majoré et au crédit d’impôt pour dividendes visant les dividendes imposables);
  • les mesures en matière d’impôt publiées le 13 décembre 2017 afin de traiter de la répartition du revenu.

Le budget réaffirme également l’engagement du gouvernement d’aller de l’avant avec des modifications techniques requises pour améliorer la certitude du régime fiscal.

 

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Éric  Labelle, LL.L.

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Leader Services fiscaux, Capital-investissement et fonds de pension, PwC Canada

Martin Olivier Boiteau

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Associé directeur, PwC Canada

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