Composer avec la CSRD

Mesures que les entreprises canadiennes doivent prendre dans un contexte de changements de la réglementation

  • Aperçu
  • 05 nov. 2025
Jennifer Lawson

Jennifer Lawson

Associée, Rapports sur la durabilité et Certification, PwC Canada

Scott Bandura

Scott Bandura

Associé national et mondial, Services conseils en comptabilité, PwC Canada

La Directive sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD) de l’Union européenne (UE) vise à harmoniser et à améliorer la disponibilité et la qualité des informations relatives à la durabilité en introduisant des normes exécutoires pour la présentation d’informations sur la durabilité, connues sous le nom de Normes européennes d’information sur la durabilité (ESRS).

Les ESRS introduisent des obligations d’information complètes pour les entités de l’UE. Outre les entreprises de l’UE, la CSRD impose également aux entreprises non européennes qui exercent des activités importantes dans l’UE de préparer des rapports non financiers au niveau du groupe à compter de 2029.

Les entreprises assujetties à la CSRD doivent surveiller le paquet omnibus d’allègement de l’UE. Ce paquet vise à simplifier les règles de l’UE en matière de présentation d’informations sur la durabilité liées au Pacte vert pour l’Europe, notamment la CSRD, la Directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD) et la taxonomie de l’UE.

Malgré les modifications omnibus proposées, la CSRD continue d’être très pertinente pour les entreprises d’envergure mondiale et demeure un point de référence pour la production d’une information cohérente et transparente sur la durabilité. Selon SE Advisory Services, la CSRD, dans sa forme actuelle, concerne environ 50 000 entreprises de tailles diverses, dont le statut d’inscription en bourse et l’état de préparation à la présentation d’informations varient. La proposition omnibus devrait réduire de 80 % le nombre de sociétés assujetties aux obligations de présentation d’informations, ce qui laisserait environ 10 000 sociétés dans le champ d’application des obligations d’informations aux termes de la CSRD.

Que devraient faire dès maintenant les entreprises canadiennes?

1. Déterminez si votre entreprise ou votre groupe entre dans le champ d’application de la directive

De nombreuses entreprises canadiennes sont surprises d’apprendre qu’elles entrent dans le champ d’application de la CSRD. Voilà pourquoi il importe d’examiner attentivement les critères d’applicabilité en fonction de votre structure organisationnelle.

Les entreprises canadiennes peuvent être assujetties à la CSRD de trois façons :

  • La société, ou sa filiale, a des titres cotés sur un marché réglementé par l’UE (p. ex., une double inscription à la cote)
  • L’entreprise possède une filiale ou une succursale importante (voir définition ci-dessous) dans l’UE
  • La société possède un important groupe européen (p. ex., une société mère européenne d’un grand groupe ou une société de portefeuille européenne)

Une filiale de l’UE ou un groupe consolidé de l’UE est considéré comme « important » s’il excède au moins deux des trois paramètres suivants à deux dates de fin d’exercice consécutives :

  • Actif total de 25 millions d’euros
  • Chiffre d’affaires net de 50 millions d’euros
  • Moyenne de 1 000 employés

En outre, les entreprises non européennes sont soumises à la CSRD par l’entremise des Normes d’information sur la durabilité pour les entreprises non européennes (NESRS). Les entreprises non européennes devront respecter des critères de présentation de l’information spécifiques pour satisfaire aux exigences des NESRS en présentant des informations aux termes de la CSRD pour l’exercice 2028, leurs premiers rapports devant être produits en 2029. 

Les entreprises peuvent faire partie du champ d’application de trois façons :

  • Générer un chiffre d’affaires d’au moins 150 millions d’euros au sein de l’Union européenne au niveau du groupe pendant deux années consécutives.
  • Être la société mère ultime de grandes entreprises de l’UE ou de petites et moyennes entreprises (PME) cotées sur un marché réglementé de l’UE (à l’exception des microentreprises) et dont les titres sont négociés dans l’Union européenne.
  • Avoir une succursale dans l’UE qui génère plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires net au sein de l’Union européenne. 

2. Soyez prêts à respecter les échéances qui s’appliquent à votre entreprise

Le 3 avril 2025, le Parlement européen a adopté la proposition omnibus « Stop-the-clock », qui traite précisément de la CSRD et de la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD). Cette proposition repousse de deux ans l’application de la CSRD pour les grandes entreprises et reporte d’un an la transposition et l’application de la CSDDD pour les grandes entreprises. Par la suite, le 23 juin 2025, le Conseil de l’Union européenne est parvenu à un accord sur le paquet omnibus d’allègement, proposant des modifications au contenu substantiel de la CSRD et de la CSDDD.

Avec l’adoption de la proposition omnibus « Stop-the-clock », certaines entreprises canadiennes dans le champ d’application de la CSRD obtiendront une prolongation de leurs délais de mise en application de la présentation d’informations aux termes de la CSRD. Les entités de la phase 1 ne seront pas touchées par cette proposition, mais elles seront tenues de produire des rapports à compter de janvier 2024. Pour les entités des phases 2 et 3, la date de mise en œuvre de la présentation d’informations sera reportée de deux ans avec la proposition « Stop-the-clock », la deuxième vague procédant à sa première application en 2027 et la troisième, en 2028.

Exigences actuelles Proposition « Stop-the-clock » Proposition « Content »

Phase 1 : 1) Entités entrant dans le champ d’application de la Directive sur la publication d’informations non financières (NFRD); 2) « Grandes » entités cotées à une bourse européenne et comptant plus de 500 employés

 

Déclaration obligatoire : ESRS et taxonomie de l’UE

  • Aucun changement de calendrier
  • Prise d’effet pour les exercices ouverts à compter du 1ᵉʳ janvier 2024

Les exigences pour toutes les entités sont harmonisées et dépendent du type d’entité :

  • Grandes entreprises de l’UE (ou sociétés mères d’un grand groupe) et grandes entreprises hors de l’UE dont les titres de créance ou de participation sont cotés sur un marché réglementé par l’UE :
  • Plus de 1 000 employés et plus de 450 millions d’euros de chiffre d’affaires – Présentation d’informations obligatoire : ESRS révisées et taxonomie révisée de l’UE
  • Plus de 1 000 employés et un chiffre d’affaires inférieur ou égal à 450 millions d’euros – Présentation d’informations obligatoire : ESRS révisées; présentation d’informations volontaire : taxonomie révisée de l’UE
  • Toutes les autres entreprises de l’UE – Présentation d’informations volontaire : normes VSME

Phase 2 : Toutes les autres « grandes » entreprises de l’UE et les entreprises de l’UE qui sont les sociétés mères d’un « grand » groupe

 

Déclaration obligatoire : ESRS et taxonomie de l’UE

  • Report de la prise d’effet de deux ans
  • Les modifications prendront effet pour les exercices ouverts à compter du 1ᵉʳ janvier 2027
 

Phase 3 : PME cotées en bourse; certaines institutions de crédit, entités d’assurance captives et entités de réassurance captives de petite taille et non complexes

 

Déclaration obligatoire : ESRS pour les PME cotées et taxonomie de l’UE

  • Report de la prise d’effet de deux ans
  • Les modifications prendront effet pour les exercices ouverts à compter du 1ᵉʳ janvier 2028
 

Entités non européennes ayant des activités importantes dans l’Union européenne

  • Chiffre d’affaires consolidé de plus de 150 millions d’euros réalisé dans l’Union européenne; et
  • Soit 1) une « grande » filiale (telle que définie) ou une filiale PME cotée, soit 2) une succursale ayant un chiffre d’affaires de plus de 40 millions d’euros

Déclaration obligatoire : ESRS hors UE

  • Aucun changement de calendrier
  • Avec prise d’effet pour les exercices ouverts à compter du 1ᵉʳ janvier 2028

Modifierait le seuil de déclaration :

  • Un chiffre d’affaires consolidé de plus de 450 millions d’euros réalisé dans l’Union européenne; et
  • Soit 1) une « grande » filiale (telle que définie) ou 2) une succursale dont le chiffre d’affaires excède 50 millions d’euros

Présentation d’informations obligatoire : ESRS pour les entreprises non européennes

3. Effectuez une évaluation de la double importance relative (ADM)

Une fois que l’entreprise détermine qu’elle est dans le champ d’application de la CSRD, il est essentiel d’effectuer une évaluation de la double importance relative. Cette approche examine à la fois les effets financiers des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance sur la valeur de votre organisation et l’incidence de vos activités sur la durabilité.

De plus, l’évaluation de la double importance relative priorise les actions qui soutiennent la croissance durable et la conformité réglementaire. Elle aide à déterminer les normes qui sont dans le champ d’application, y compris les sous-thèmes et les points de données pertinents, jetant les bases d’une évaluation rigoureuse des lacunes en matière de présentation d’informations et permettant l’intégration de la stratégie de durabilité à la stratégie d’entreprise globale.

4. Procédez à une évaluation des lacunes en matière de présentation d’informations 

Une fois que votre entreprise aura déterminé qu’elle est dans le champ d’application de la CSRD, vous devrez effectuer une évaluation des lacunes en matière de présentation d’informations par rapport aux exigences des ESRS afin de déterminer les incidences, les risques, les opportunités et les mesures liés à la durabilité que vous présentez actuellement et les informations et données sous-jacentes manquantes. Malgré les efforts omnibus déployés pour alléger la présentation d’informations, le volume de points de données précis requis peut atteindre des centaines par entité.

En entreprenant une analyse minutieuse des lacunes dès le départ, votre organisation peut comprendre les domaines à prioriser pour améliorer la qualité et la communication des données, y compris l’utilisation actuelle de la technologie dans le processus de collecte et de présentation des données pour se conformer à la réglementation.

De plus, pour les entreprises canadiennes ayant une présence commerciale importante dans l’Union européenne, il importe de tenir compte des Normes d’information sur la durabilité pour les entreprises non européennes (NESRS) en cours d’élaboration par l’EFRAG. Ces normes, qui devraient être adoptées d’ici juin 2026, s’appliqueront aux sociétés mères situées hors de l’UE qui répondent à certains critères. L’inclusion des NESRS dans votre évaluation des lacunes permet d’harmoniser votre présentation d’informations avec les ESRS et les NESRS à venir

5. Élaborez une feuille de route stratégique

La conformité à la CSRD nécessite l’élaboration d’un programme intégré de durabilité qui va bien au-delà des obligations de présentation d’informations. Ce programme devrait couvrir la stratégie, la gouvernance et la gestion des impacts, des risques et des opportunités (IRO) pour appuyer les informations à fournir et les mesures et cibles connexes.

Une fois que les domaines d’intérêt ont été déterminés au moyen de l’évaluation de la double importance relative et de l’évaluation des lacunes, votre organisation pourra établir une feuille de route stratégique pour l’élaboration d’un programme de durabilité. Cette feuille de route décrit le plan de votre entreprise pour combler les lacunes relevées, harmoniser les ressources et prioriser les principales initiatives en matière de durabilité. Elle devrait comporter un échéancier clair pour la mise en œuvre des changements, des mesures pour le suivi des progrès et des mesures en cas d’imprévus pour surmonter les défis.

En établissant une feuille de route complète, votre organisation peut s’assurer d’adopter une approche systématique pour répondre aux exigences de la CSRD, tout en favorisant efficacement la réussite à long terme en matière de durabilité.

Calendrier de mise en œuvre de la CSRD

Phase préparatoire

Évaluation du champ d’application

  • Procéder à une évaluation détaillée du champ d’application pour confirmer l’applicabilité de la CSRD à votre entreprise.
  • Identifier les principales incidences et exigences imposées par la proposition omnibus.

Caractère significatif et identification des risques

  • Procéder à une évaluation de la double importance relative pour cerner les risques et les occasions importants en matière de durabilité.
  • Examiner et documenter les mesures de durabilité essentielles.

Communication interne

  • Communiquer les constatations et les mesures à prendre à la direction et aux services concernés.

Évaluation des lacunes en matière de présentation d’informations

  • Procéder à une analyse exhaustive des lacunes pour évaluer les informations existantes par rapport aux exigences de la CSRD.
  • Cerner les points à améliorer et classer par ordre de priorité les principaux éléments d’information.

Phase de conception

Élaboration du cadre

  • Élaborer des cadres d’information sur les facteurs ESG adaptés aux exigences de la CSRD.

Amélioration des systèmes et des processus

  • Évaluer et améliorer les systèmes de collecte de données pour assurer un suivi efficace des mesures de durabilité requises.
  • Harmoniser les processus de présentation d’informations avec la taxonomie de l’UE et les ESRS.

Feuille de route stratégique

  • Élaborer et finaliser une feuille de route stratégique pour combler les lacunes cernées, harmoniser les ressources et orienter la mise en œuvre.
  • Établir des échéanciers pour les étapes clés et assurer l’harmonisation avec les objectifs opérationnels généraux.

Phase de mise en œuvre

Finalisation et validation

  • Finaliser la structure des rapports et vérifier leur conformité et leur exhaustivité.

Intégration complète

  • Intégrer pleinement les indicateurs de durabilité aux mécanismes de présentation d’informations de l’entreprise.

Effet de la CSRD sur la création de valeur

La CSRD est une réelle source de création de valeur. En mettant en place un programme de durabilité pour la présentation d’informations aux termes de la CSRD, les organisations ont l’occasion de réaliser des gains importants :

  1. La CSRD intègre la durabilité à la stratégie en cernant les risques, les impacts et les opportunités importants dans l’ensemble de la chaîne de valeur, en mobilisant diverses parties prenantes internes pour harmoniser la stratégie et la gestion des risques avec les objectifs de durabilité.
  2. Elle met l’accent sur des politiques réalisables, des mesures de rendement claires et des cibles qui démontrent les progrès réalisés vers l’atteinte des objectifs de durabilité tout en soulignant les incidences financières et environnementales les plus importantes de l’entreprise.
  3. Elle améliore la prise de décisions en fournissant des données exhaustives qui intègrent les points de vue des tierces parties, favorisant des choix éclairés à court, à moyen et à long terme.

La mise en œuvre de ces normes dès maintenant peut donner aux entreprises une longueur d’avance dans leur parcours de présentation d’informations, en particulier celles qui sont — ou seront — touchées par les obligations de présentation d’informations préconisées par le California Air Resources Board (CARB), les Australian Sustainability Reporting Standards et/ou l’International Sustainability Standards Board.

Une approche intégrée aux systèmes de collecte de données et de technologie habilitante accroîtra l’efficacité des processus de présentation de l’information, surtout si plus d’un rapport doit être produit. Une fois que le suivi des données est en place, les entreprises auront toute l’information nécessaire pour fixer leurs objectifs et fournir des mesures de rendement. Cela permet une communication intégrée de la valeur à long terme et de la durabilité aux investisseurs et parties prenantes.

Regard sur l’avenir : S’adapter à la future présentation d’informations aux termes de la CSRD et des ESRS

La publication récente du paquet omnibus, ainsi que l’exercice de simplification en cours mené par l’European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG), démontrent que l’Union européenne entre dans une nouvelle phase de simplification de la présentation d’informations sur la durabilité. Le paquet omnibus marque le début d’une nouvelle étape visant à rationaliser les exigences réglementaires, tandis que les efforts de l’EFRAG sont axés sur la mise au point des Normes européennes d’information sur la durabilité (ESRS). Les principales étapes du processus de l’EFRAG comprennent la publication d’exposés-sondages le 31 juillet 2025, qui prévoyaient une période de consultation de 60 jours. Ces exposés-sondages proposent une approche plus souple en ce qui a trait à l’importance relative, des obligations de présentation d’informations simplifiées et la suppression des points de données volontaires afin de rendre les rapports plus accessibles et de les harmoniser avec les cadres mondiaux. L’EFRAG continuera de présenter des mises à jour sur les révisions directement sur son site Web, une conférence récemment annoncée portant sur les nouvelles ébauches étant notamment prévue le 4 décembre 2025.

Pour les multinationales canadiennes qui exercent leurs activités dans l’Union européenne ou qui en tirent des revenus importants, ces nouveautés soulignent l’importance d’une adaptation proactive. L’harmonisation avec l’évolution de la CSRD et des ESRS permet non seulement d’assurer la conformité, mais aussi de renforcer la réputation de votre organisation en matière de durabilité, ce qui accroît l’attrait pour les investisseurs et les parties prenantes. Bien que la présentation d’informations sur la durabilité soit synonyme de coûts et de défis opérationnels, les entreprises qui investissent tôt dans la collecte de données, la gouvernance et la transparence seront bien placées pour composer avec les exigences réglementaires futures et dégager de la valeur à long terme.

Quel que soit le secteur auquel vous appartenez, il est essentiel, dans ce contexte réglementaire en rapide évolution, de rester informé et de réagir aux changements à venir. Les sociétés qui tiennent efficacement compte de ces facteurs dès maintenant seront en mesure d’obtenir une valeur importante en investissant dans la présentation d’informations sur la durabilité tout en faisant progresser la transparence et la résilience dans un environnement réglementaire de plus en plus complexe.

Consultez notre aperçu de la portée et des exigences de la CSRD

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