Impact de la COVID-19 sur les centres-villes des six grandes villes canadiennes

C’est le cœur même des villes canadiennes qui a été touché le plus durement par la pandémie de COVID-19. De nombreux facteurs qui contribuent à la vigueur des centres-villes et à leur attrait pour les visiteurs et les résidents, comme le tourisme d’agrément et d’affaires, les grands événements, la gastronomie et l’hôtellerie, ont été perturbés. Les gens évitent les foules et suivent les mesures de distanciation sociale, mais l’essence même des centres-villes est incompatible avec les restrictions imposées. Par conséquent, moins de travailleurs, de touristes et d’étudiants les fréquentent, ce qui signifie moins de clients pour les commerçants locaux.

À long terme, les centres-villes continueront de se transformer sous l’effet de l’accélération des tendances qui se dessinaient déjà avant la pandémie : télétravail, vidéoconférences, enseignement à distance, essor du commerce électronique et étalement urbain. Nous nous sommes adaptés à la vie imposée par la pandémie, mais si aucune mesure n’est prise pour préserver la vitalité des centres-villes canadiens, un cycle de déclin risque de s’amorcer et d’avoir des répercussions économiques graves. La baisse d’activité a entraîné une perte d’attractivité aux centres-villes, aggravant leur dévitalisation.

Ce rapport analyse l’impact de la COVID-19 sur le centre de six villes canadiennes : Toronto, Montréal, Vancouver, Calgary, Edmonton et Ottawa


Télétravail 

Le recours massif au télétravail se poursuivra après la pandémie, puisque les entreprises qui occupent la plupart des tours de bureaux peuvent facilement basculer vers le télétravail. Selon notre rapport intitulé Impact de la COVID-19 sur les centres-villes des six villes les plus importantes du Canada, une adoption plus marquée du télétravail se traduira également par une diminution d’environ 10 % à 20 % de l’achalandage dans les centres-villes chaque jour, ce qui aura des répercussions économiques sur divers secteurs et fera baisser la demande pour les locaux à bureaux.

  • Toronto, Montréal, Vancouver et Calgary sont plus particulièrement à risque en raison de leur capacité à basculer vers le télétravail. Les temps de déplacement pourraient également constituer un frein au retour des travailleurs au centre-ville, surtout à Toronto et à Montréal.
  • Ottawa et Edmonton, qui dépendent de façon importante du secteur public, sont moins à risque étant donné que ce secteur a tendance à éviter les grands changements structurels.
  • Une baisse du nombre de travailleurs dans les centres-villes pourrait aggraver la situation des commerces de détail et des restaurants. La ville de Vancouver risque d’être la plus touchée, parce qu’elle affiche le plus haut ratio de magasins et de restaurants pour 1000 travailleurs.
  • Toronto, Vancouver, Calgary et Montréal pourraient également souffrir plus fortement d’une baisse de valeur des locaux commerciaux et des bureaux. Étant donné la faible abordabilité des bureaux à Montréal et à Vancouver, ces villes risquent de voir plus d’entreprises réduire la superficie qu’elles louent ou quitter le centre-ville.

Diminution des déplacements et du tourisme

Dans la première semaine d’avril 2020, le taux d’occupation des hôtels était inférieur à 20 % au Canada, selon Statista. Outre les faibles taux d’occupation, les centres-villes doivent composer avec des restrictions en matière de santé publique et de déplacement, ainsi qu’avec la fermeture des magasins, restaurants et entreprises tributaires du tourisme. Le tourisme d’agrément est partiellement équilibré par le tourisme local et devrait se rétablir complètement, mais la diminution des voyages d’affaires persistera.

  • Étant donné l’importance du secteur touristique pour Montréal, Toronto et Vancouver, l’activité économique qui en dépend sera affaiblie par la fermeture temporaire, voire permanente de certaines entreprises.
  • À Ottawa, le tourisme est au coude à coude avec le secteur de la haute technologie, juste derrière le secteur public. En tant que capitale, la ville compte plusieurs attractions nationales et sites historiques, dont la plupart se trouvent dans le centre-ville ou le quartier central des affaires.
  • Des villes comme Vancouver, Calgary et Edmonton pourraient bénéficier d’une reprise plus rapide du tourisme d’agrément grâce au tourisme local. En effet, ces villes sont la porte d’entrée vers différents parcs nationaux alors que le tourisme de plein air est le plus prometteur pour les années 2021-2022.
  • Mais pour Calgary et Edmonton, les perspectives favorables du tourisme local ne réussiront pas à compenser les pertes liées au tourisme d’affaires.

Impact du commerce en ligne

Avant la COVID-19, les entreprises des centres-villes étaient déjà fragilisées par l’essor du commerce en ligne. Depuis la pandémie, la croissance des achats en ligne n’a fait que s’accélérer. Ils ont atteint 39,3 milliards de dollars canadiens en mai 2020, en hausse de 99,3 % par rapport à février 2020, selon Statistique Canada. La montée du commerce en ligne et son attrait auprès des consommateurs, ainsi que la concurrence des banlieues et de leurs grands centres commerciaux diversifiés et plus accessibles ont mis à mal la vitalité du pôle commercial des centres-villes, et cette tendance risque de s’accentuer dans les années à venir.

  • Montréal, Toronto et Vancouver sont particulièrement à risque puisque ce sont les centres-villes où la baisse de l’achalandage est la plus forte en raison du basculement vers le télétravail, de leur dépendance au secteur touristique et de l’importance de leur population étudiante.
  • Les commerces du centre-ville d’Ottawa sont concentrés autour du Centre Rideau et du Marché Byward, à distance de marche des tours de bureaux. L’absence des travailleurs des secteurs public et privé, des touristes et des étudiants a eu un impact négatif important sur les commerces de détail, les restaurants et d’autres entreprises. Beaucoup d’incertitude demeure quant à leur retour dans le centre-ville.
  • Le centre-ville d’Edmonton peut compter sur la résilience du secteur public pour atténuer l’exode des travailleurs hors du centre-ville. De plus, les salaires relativement élevés et stables peuvent contribuer à une forte consommation.
  • Le secteur commercial du centre-ville de Calgary est à risque puisqu’il a été conçu autour de la forte présence d’une clientèle d’affaires et des rencontres d’affaires. Une diminution significative des piétons, notamment en raison des difficultés du secteur pétrogazier, pourrait restreindre la reprise.

Évolution de la culture et du divertissement

Plusieurs organisations, dont les salles de spectacles, les musées et les cinémas, ont dû fermer temporairement et l’ensemble des festivals et des événements ont été annulés. La pandémie accélère la transformation des habitudes de consommation déjà observées avant la crise; les plateformes en ligne se sont d’ailleurs montrées plus résilientes depuis le début de la crise.

  • Montréal, Toronto et Vancouver sont les centres-villes ayant la plus forte concentration d’établissements culturels. L’impact risque d’être plus grand si aucune mesure n’est mise en œuvre pour soutenir le secteur à long terme.
  • Le secteur culturel d’Ottawa, de Calgary et d’Edmonton a également souffert de la pandémie. En temps normal, le quartier des arts d’Edmonton, composé d’une grande salle de concert, d’un théâtre, d’une galerie d’art, d’un musée et d’une bibliothèque, attire les visiteurs vers les cafés, les restaurants, les pubs et bars du centre-ville. Un bon nombre d’entre eux ont fermé définitivement leurs portes. Néanmoins, l’importance que jouera ce secteur dans la relance et la revitalisation du centre-ville d’Edmonton ne doit pas être sous-estimée.
  • Calgary et Edmonton étaient, avant la crise, en train de mettre sur pied une stratégie de revitalisation de leur centre-ville, notamment par d’importants investissements dans le secteur culturel. Le redémarrage de ces projets pourrait s’avérer porteur pour la relance.

Prochaines étapes

Ces villes seront confrontées à des enjeux importants et de plus en plus complexes dans les années à venir. Pour les résoudre, elles devront mettre en œuvre des stratégies préventives, notamment :

  • élaborer une stratégie de revitalisation du centre-ville en prévoyant des espaces verts et piétonniers;
  • aller au-delà des analyses coûts-avantages traditionnelles en intégrant le facteur résilience dans le processus d’approbation des nouveaux projets;
  • mettre en œuvre un concept de ville intelligente pour augmenter la résilience et créer des opportunités d’emploi à forte valeur ajoutée;
  • renforcer la coopération entre les établissements d’enseignement et les entreprises;
  • donner plus d’autonomie budgétaire aux grandes villes pour soutenir les secteurs durables à long terme;
  • inciter les visiteurs à revenir au centre-ville en privilégiant le transport en commun et la mobilité active.
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