01 mai, 2023
Le 22 mars 2023, le gouvernement fédéral a présenté une mesure législative (projet de loi C‑421) dont le but est de mettre en place un registre des véritables propriétaires des sociétés par actions sous contrôle privé constituées sous le régime fédéral; ce registre sera accessible au public. S’il est adopté, le projet de loi C‑42 créera un registre des véritables propriétaires des sociétés privées qui sont constituées en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA), et ce registre sera accessible au public. Cette mesure élargit le registre des véritables propriétaires des sociétés privées constituées en vertu de la LCSA, qui a été instauré en 20192.
Les principaux objectifs du projet de loi C‑42 sont les suivants :
Bien que le gouvernement fédéral projette un registre extensible, on ignore si les provinces et les territoires participeront. À ce jour, l’Alberta, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et le Yukon n’ont proposé ni adopté aucune loi en matière de transparence des sociétés. En outre, la version définitive du projet de loi C‑42 pourrait différer considérablement de sa version originale en raison des inquiétudes qu’elle suscite au regard de la divulgation des renseignements personnels et de la protection de la vie privée.
Sur la scène internationale, le Canada est réputé pour son respect de la règle de droit et la stabilité de son économie; mais ces dernières années, sa part de certains investissements qui étaient traditionnellement le propre de destinations étrangères a augmenté. De façon générale, les sociétés privées du Canada n’étaient pas tenues d’identifier les particuliers ayant leur contrôle, à l’exception des membres de leur conseil d’administration et de leurs actionnaires inscrits. Pour cette raison, les sociétés privées et autres entités canadiennes (comme les sociétés en commandite et les fiducies) sont devenues des véhicules intéressants pour le blanchiment d’argent, la fraude fiscale et la dissimulation inappropriée d’actifs et de revenus. Ce phénomène porte même un nom unique au Canada : le « blanchiment à la neige ».
Le monde en a pris acte en 2016, lorsque les « documents panaméens » ont trahi le Canada comme un territoire de prédilection pour certains conseillers en placements à l’étranger en raison de sa transparence discutable et de son laxisme au regard de l’obligation de rendre compte des sociétés. En décembre 2017, en réponse à la critique nationale et mondiale grandissante, les gouvernements fédéral et provinciaux ont conclu l’« Entente en vue de renforcer la transparence de la propriété effective ». Depuis, une série de nouvelles règles ont été proposées aux paliers fédéral et provinciaux pour forcer les entités privées à collecter et à divulguer de l’information sur les particuliers ayant un contrôle important. En Colombie-Britannique, au Québec et, maintenant, au fédéral, des règles adoptées ou proposées exigent que de tels renseignements soient déclarés périodiquement aux autorités pertinentes.
Depuis juin 2019, les sociétés privées régies par la LCSA sont tenues d’identifier les particuliers ayant un contrôle important (PACI) et de tenir un registre de ces particuliers (registre des PACI). Au titre de la LCSA, un PACI est un particulier qui :
Pour chaque PACI, une société doit inscrire les renseignements ci-après dans le registre :
En juin 2022, une deuxième série de modifications législatives de la LCSA, qui instaurent des obligations de déclaration et autorisent le partage d’information entre organismes gouvernementaux, a reçu la sanction royale. Cependant, ces modifications n’ont pas encore été promulguées. Lorsqu’elles prendront effet, les dispositions ci-après de la LCSA s’appliqueront :
En octobre 2022, on a proposé d’ajouter à la LCSA des dispositions relatives au registre des PACI. Les règles proposées prévoient :
Les règlements définitifs, qui devraient inclure des révisions basées sur la rétroaction du public, n’ont pas encore été publiés.
La date d’entrée en vigueur des amendements de juin 2022 et les règles proposées n’ont pas encore été annoncées.
Le projet de loi C‑42 contient la troisième série d’amendements de la LCSA proposés dans le but de créer un moteur de recherche accessible au public, ce qui augmentera considérablement la transparence des sociétés privées fédérales. Voici les principaux amendements du projet de loi C‑42 :
Quelques autres modifications proposées sont dignes de mention :
Dans sa forme actuelle, la LCSA prévoit au paragraphe 21.4(1) une infraction qui s’applique aux administrateurs et aux dirigeants qui, sciemment, autorisent la société à contrevenir à ses obligations de maintien d’un registre des PACI ou qui lui permettent de le faire; et à ses obligations de communication des renseignements à un organisme d’enquête qui en fait la demande. Le projet de loi C‑42 ajouterait l’obligation de fournir au directeur les renseignements inscrits au registre des PACI. La sanction pour une contravention au paragraphe 21.4(1) est une amende maximale de 200 000 $ ou une peine d’emprisonnement maximale de six mois, ou les deux; elle ne changerait pas.
En outre, pour encourager la conformité aux nouvelles exigences, le projet de loi C‑42 donnerait à Corporations Canada le pouvoir de refuser un certificat de conformité aux sociétés non conformes ou de leur imposer une dissolution involontaire.
Le projet de loi C‑42 élargira considérablement les obligations de divulgation des sociétés privées canadiennes et imposera un régime de déclaration plus strict aux administrateurs, aux dirigeants et aux actionnaires. Le projet de loi C‑42 accroîtra en outre la capacité des actionnaires, y compris bon nombre d’organismes gouvernementaux, à partager plus efficacement les données, de sorte qu’ils pourront vérifier et confirmer les renseignements sur les particuliers ayant un contrôle important sur les sociétés canadiennes. En phase avec des lois similaires proposées ou en vigueur dans les provinces, le Canada améliore la transparence et l’obligation de rendre compte des sociétés. Il s’agit d’un changement significatif et historique, et ses détracteurs se disent préoccupés par les risques pour la sécurité et la protection de la vie privée des particuliers que pourrait poser l’accès du public à des renseignements personnels confidentiels. Quoi qu’il en soit, les sociétés régies par la LCSA devraient s’attendre à ce que ces règles soient adoptées et possiblement promulguées à la fin de 2023.
1. Projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois (première lecture : 22 mars 2023).
2. Pour en savoir plus, lisez notre Point de vue « Nouvelles exigences relatives au registre des actionnaires pour les sociétés privées régies par la LCSA : assurez-vous de vous conformer ».
3. Le paragraphe 21.1(7) de la LCSA décrit les sociétés qui sont exonérées des obligations de transparence du registre; elles incluent toute société :
- qui est un émetteur assujetti au titre d’une loi provinciale relative à la réglementation des valeurs mobilières;
- dont des valeurs mobilières sont cotées et négociables à une bourse de valeurs désignée (au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu);
- qui appartient à une catégorie réglementaire.
4. Des exemptions sont proposées pour les particuliers qui : i) ont moins de 18 ans; ii) sont des personnes inaptes; iii) sont des titulaires d’une charge publique tenus de procéder à des dessaisissements conformément à la Loi sur les conflits d’intérêts; ou iv) sont exposés à une menace sérieuse ou sont en danger. D’autres exemptions pourraient être prescrites par les règlements.
5. Le directeur nommé conformément à la LCSA est la personne désignée par le ministre fédéral de l’Industrie au titre des dispositions de la LCSA pour administrer la LCSA.
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