Points saillants du Plan de réduction des émissions du Canada

08 avril, 2022

Elliott Cappell, associé et leader national, Changements climatiques
Shelley Gilberg, associée et leader, Marchés ESG
Daniel O’Brien, associé, Développement durable et changement climatique

Le gouvernement du Canada a publié son premier Plan de réduction des émissions (PRE) en vertu de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. Le PRE se veut une feuille de route complète pour guider les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Canada. Il vise un large éventail d’activités et prévoit plus de 9 milliards de dollars d’investissements supplémentaires. D’importantes questions subsistent, mais le plan représente un pas considérable pour le gouvernement, qui y explique comment il entend réaliser son objectif de 2030, à savoir que le Canada réduise les émissions de 45 % par rapport aux niveaux de 2005, tout en avançant vers l’objectif net zéro d’ici 2050.

Ce vaste plan présente des mesures au niveau de l’économie dans son ensemble, comme la tarification du carbone, mais aussi au niveau des ménages, concernant par exemple les véhicules de tourisme électriques. S’il manque de précisions sur certaines facettes cruciales du programme canadien de lutte contre les changements climatiques, le plan pourra néanmoins orienter les organisations dans la planification de leurs prochaines étapes vers l’objectif net zéro, surtout au moment où le gouvernent souhaite réaliser des progrès vers l’atteinte des cibles de réduction dans certains secteurs clés du Canada, comme l’industrie pétrolière et gazière. Voici les points saillants du PRE ainsi que des détails sur certains des principaux enjeux abordés dans le récent budget fédéral :

Priorité à la décarbonisation des bâtiments

Le PRE accorde une place centrale aux bâtiments, dont les activités produisent 12 % des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle du pays, et qui par ailleurs est la source la plus importante d’émissions dans la plupart des villes. C’est l’un des secteurs les plus difficiles à décarboniser pour plusieurs raisons, notamment le manque d’harmonisation des codes du bâtiment au Canada et le coût élevé des rénovations.

Pour s’attaquer à certains de ces défis, le Canada a annoncé une nouvelle initiative de 150 millions de dollars, la Stratégie pour des bâtiments écologiques du Canada, qui vise à tirer parti des programmes existants et à mettre en place des mesures pour créer un mouvement massif de rénovation du parc immobilier et encourager la construction de bâtiments répondant aux normes écologiques les plus rigoureuses. Parmi les initiatives ciblant les ménages, il y a l’injection de 458,5 millions de dollars supplémentaires dans le programme de la Subvention canadienne pour des maisons plus vertes.

Accélération de l’adoption des véhicules à émission zéro

Au Canada, le secteur des transports génère environ 25 % des émissions. Le PRE vise à accélérer l’adoption des véhicules à émission zéro, par les ménages en particulier, en développant les infrastructures de recharge. Le gouvernement instaurera un mandat réglementé pour qu’au moins 20 % des nouveaux véhicules légers vendus soient à émission zéro d’ici 2026; cette exigence passera à au moins 60 % pour 2030 et à 100 % pour 2035.

L’obligation d’atteindre ces cibles se traduira par des occasions intéressantes pour le secteur automobile canadien, notamment les fabricants de pièces et les fournisseurs de matières premières nécessaires à la fabrication. Ces changements devront s’accompagner d’investissements substantiels dans les infrastructures de recharge et les autres mesures de soutien à l’achat de véhicules.

Précisions à venir sur des points importants dans des secteurs clés

Le PRE est un programme ambitieux. On promet d’apporter des éclaircissements, au cours des 18 prochains mois, sur certains domaines importants : minéraux essentiels; aviation; agriculture et engrais; captage, utilisation et stockage du carbone; petits réacteurs nucléaires modulaires et solutions fondées sur la nature. Les organisations canadiennes des secteurs économiques clés peuvent donc s’attendre à ce que l’on se penche sérieusement sur certains éléments qu’elles suivent de près pour mieux élaborer leur stratégie vers l’objectif net zéro. D’ici à ce que nous obtenions de plus amples renseignements, voici ce que nous savons actuellement à propos de certaines mesures pivots de la transition vers l’objectif net zéro, provenant du PRE et récent budget fédéral :

  • Plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier : Le gouvernement compte fixer un plafond d’émissions dans ce secteur au printemps, ce qui représente une résolution importante. Dans le PRE, on s’engage à réduire de 42 % les émissions absolues de ce secteur par rapport aux niveaux de 2019.
  • Norme d’électricité propre : Le gouvernement exigera la production d’électricité net zéro d’ici 2035 au moyen d’une norme d’électricité propre ainsi que d’un soutien à la production d’énergie renouvelable et au développement de petits réacteurs modulaires. À ce sujet, le plan fournit peu de précisions et omet des questions clés pour les provinces.
  • Minéraux essentiels : Les sociétés minières surveillent toute information se rapportant au rôle des minéraux essentiels dans la transition énergétique et la réduction des émissions. Le plan est avare de détails dans ce domaine, mais le gouvernement a annoncé le nouveau crédit d'impôt pour l'exploration des minéraux essentiels dans son récent budget, alors qu'il cherche à faire progresser sa stratégie autour de cette occasion clé pour le Canada.
  • Captage, utilisation et stockage du carbone :  Dans le budget, le gouvernement a également publié des détails tant attendus sur le crédit d’impôt à l’investissement pour la capture, l’utilisation et le stockage du carbone. Cette mesure a le potentiel de jouer un rôle clé, en aidant les sociétés pétrolières et gazières à atteindre les objectifs de l'industrie en matière de réduction des émissions.
  • Transition vers le net zéro des grands émetteurs : Le gouvernement souhaite publier d’autres renseignements ce printemps sur le défi carboneutre ciblant les grands émetteurs, ce qui pourrait intéresser les sociétés des secteurs du pétrole et du gaz, de l’exploitation minière, du transport, de l’immobilier, de l’industrie et de la fabrication.

Vers une transition méthodique et inclusive pour le Canada et ses secteurs clés

Le PRE est certes ambitieux. Cependant, il ne présente pas les mesures et les éclaircissements qu’attendaient les organisations canadiennes. Nous avons là plus un aperçu des efforts actuellement déployés et des intentions du gouvernement qu’une position de principe ou l’annonce d’un programme exhaustif. Par exemple, le document fait l’impasse sur l’harmonisation nécessaire entre les secteurs, les régions et les ordres de gouvernement pour atteindre nos objectifs. Il se concentre plus sur des questions entourant la consommation – pensons aux véhicules à émission zéro – que sur celles, plus difficiles, liées à l’intensité des émissions du secteur du pétrole et du gaz.

On peut ainsi penser que le gouvernement tempère ses visées en matière de lutte aux changements climatiques au regard de la contribution de certains secteurs clés de notre économie et des préoccupations grandissantes concernant la sécurité énergétique. Certains éléments touchant ces secteurs doivent absolument être clarifiés, et nous croyons que pour atteindre ses objectifs, le Canada ne soit pas s’arrêter à l’énergie ou aux émissions.

Ce dont le Canada a besoin actuellement, c’est d’un plan de transition détaillé, à la fois méthodique et inclusif. Méthodique parce qu’il faut d’une part une certaine prévisibilité pour les investissements du secteur privé, et d’autre part une communication transparente aux citoyens, aux consommateurs et aux contribuables. Il y a aussi lieu de développer les infrastructures pour répondre à l’augmentation de la demande d’énergie plus propre et d’électrification, et de mettre sur pied une stratégie, concernant l’économie, l’emploi et les compétences, susceptible de soutenir les régions et les personnes touchées par les changements structurels. Le tout nécessitera une harmonisation et une coordination étroites avec les provinces.

Le caractère inclusif de la transition est tout aussi important. Pour le Canada, la transition et la planification doivent tenir compte des répercussions sur les genres, la collectivité et les Autochtones, aux échelles régionale et mondiale.

Appel à l’action pour les organisations canadiennes

Il y a encore beaucoup à faire, mais le PRE constitue tout de même un appel à l’action pour les organisations canadiennes qui ont le regard tourné vers l’avenir. Notre récente enquête auprès des chefs de direction a montré que les organisations canadiennes accusent un retard par rapport à leurs homologues étrangers quant à leur engagement à l’égard de l’objectif net zéro. En ce sens, le PRE est une preuve supplémentaire de la nécessité d’agir rapidement. Communiquez avec nous pour savoir comment faire progresser votre transformation net zéro, ou discuter des impacts du PRE sur votre stratégie, vos projets d’investissement, votre chaîne d’approvisionnement et vos activités de modélisation de scénarios sur les risques climatiques.

Suivre PwC Canada