Point de vue fiscal : Droits successoraux américains — la propriété d'une résidence secondaire aux États-Unis (version 2018)

janvier 2018

Numéro 2018-05F

En bref

La succession d’un résident canadien pourrait être tenue de payer des droits successoraux aux États-Unis si la personne décédée y était propriétaire d’une résidence secondaire. Toutefois, la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis (« la convention ») prévoit un certain allègement.1 En outre, le président américain Donald Trump a récemment promulgué la Tax Cuts and Jobs Act (TCJA), qui contient des dispositions visant à bonifier l’exonération des droits successoraux américains. Ainsi, un résident canadien n’aura maintenant des droits successoraux américains à payer que si la valeur de ses actifs mondiaux est évaluée à plus de 11,2 M$US.2 Cette exonération est en vigueur de 2018 à 2025. En 2026, l’exonération reviendra au montant du régime antérieur à 2018, à moins qu’une loi permanente ne soit adoptée.

Les droits successoraux américains s’appliquent à d’autres biens américains, tels que les titres américains, mais le présent Point de vue fiscal ne porte que sur les droits successoraux applicables aux biens immeubles américains. Tous les montants sont exprimés en dollars américains. 

Ce Point de vue fiscal porte sur les biens à usage personnel seulement. Si vous détenez un immeuble locatif aux États-Unis, d’autres considérations doivent être prises en compte. 

En détail

Comment les droits successoraux sont-ils calculés?

Si vous êtes propriétaire d’un bien aux États-Unis, vous serez tenu de payer des droits successoraux américains fondés sur sa juste valeur marchande au moment de votre décès. Les taux de droits successoraux commencent à 18 % pour atteindre 40 % pour les biens dont la valeur excède 1 M$.

Vous pouvez réduire vos droits successoraux américains à payer en demandant un crédit d’impôt (le « crédit unifié ») égal au plus élevé des deux montants suivants :

  • 13 000 $;
  • 4 425 800 $3 x la valeur de vos actifs américains ÷ la valeur de vos actifs mondiaux.

Ainsi, si votre résidence aux États-Unis compte pour 10 % de la valeur de vos actifs mondiaux, vous aurez droit à un crédit unifié de 442 580 $ (4 425 800 $ x 10 %).

Un crédit additionnel est disponible si le bien américain est légué au conjoint canadien. La bonne nouvelle est que dans bien des cas, ces crédits d’impôt élimineront les droits successoraux américains à payer. La succession pourrait tout de même devoir produire une déclaration de droits successoraux américains pour demander les crédits prévus à la convention.

Exemple : bien de plus de 1 M$

Prenons l’exemple de Jacques et Véronique, qui sont mariés et résidents du Canada (aucun n’est citoyen américain). 

Jacques est propriétaire d’une résidence en Floride d’une valeur de 1,5 M$. La valeur de ses actifs mondiaux s’élève à 15 M$. Ses droits successoraux à payer sur la résidence en Floride, avant les crédits d’impôt, sont de 545 800 $.

Si le bien est légué à Véronique, la convention prévoit un allègement additionnel, soit le crédit pour conjoint qui est égal au moins élevé des deux montants suivants : le crédit unifié et les droits successoraux. Comme le montre le tableau, le crédit pour conjoint est suffisant pour éliminer les droits successoraux américains à payer de Jacques. 
 

Droits successoraux américains avant le crédit unifié   545 800 $
Sans crédit pour conjoint Crédit unifié   442 580 $
Droits successoraux ultimes à payer 103 220 $
Avec crédit pour conjoint Crédit pour conjoint   103 220 $
Droits successoraux ultimes à payer 0 $

Il y a d’autres exemples dans le tableau de la page 3.

Incidences fiscales au Canada

Les droits successoraux américains sont souvent plus élevés que l’impôt canadien. Au décès, un contribuable paiera l’impôt canadien sur le gain en capital accumulé sur la résidence des États-Unis et il sera également assujetti aux droits successoraux américains sur la valeur de la résidence. Un crédit pour impôt étranger peut être obtenu au Canada au titre des droits successoraux payés aux États-Unis sur la résidence américaine.

Puisque les taux d’impôt canadien sur les gains en capital sont nettement moins élevés que le taux le plus élevé des droits successoraux aux États-Unis et que l’impôt canadien s’applique uniquement au gain sur la résidence et non sur sa juste valeur marchande, la succession paiera vraisemblablement l’impôt au taux des droits successoraux américains. De plus, les provinces et les territoires n’accordent généralement pas de crédit pour impôt étranger au titre des droits successoraux américains payés. Par conséquent, la personne décédée pourrait être assujettie à une forme de double imposition. 

Modes de propriété possibles pour réduire l’assujettissement

Propriété personnelle

La propriété personnelle peut s’avérer appropriée si l’assujettissement aux droits successoraux américains peut être contrôlé ou éliminé par les crédits disponibles en vertu de la convention. Dans le cas d’un couple marié, pour maximiser le crédit unifié disponible en vertu de la convention, la meilleure solution consiste à mettre la propriété de la résidence dans le patrimoine du conjoint dont l’avoir net est le moins élevé. Toutefois, l’incidence des règles d’attribution canadiennes devrait être prise en compte.

Si la résidence est détenue à titre personnel, le testament du propriétaire pourrait devoir être modifié. Par exemple, si la résidence de Floride de Jacques est léguée par testament à Véronique, cette dernière pourrait être assujettie aux droits successoraux américains à son décès. Une fiducie au bénéfice du conjoint structurée de façon adéquate et créée dans le testament de Jacques pourrait protéger Véronique des droits successoraux.

Même si l’assujettissement aux droits successoraux ne peut être éliminé complètement, il est possible de souscrire une assurance vie additionnelle pour couvrir le paiement des droits successoraux estimatifs. Cette solution pourrait être la plus simple, particulièrement si le particulier est jeune et peut souscrire une assurance vie à faible coût.

Propriété personnelle en tenance conjointe

De nombreux couples canadiens détiennent leurs biens en tenance conjointe (« joint tenancy »). Toutefois, la détention en tenance conjointe entre conjoints qui ne sont pas des citoyens américains peut poser des problèmes quant aux droits successoraux et à l’impôt sur les dons aux États-Unis.

Aux fins des droits successoraux américains, si le conjoint survivant n’est pas un citoyen des États-Unis, la totalité de la valeur du bien est incluse dans le patrimoine du premier conjoint qui décède, sauf si le liquidateur peut prouver que le conjoint survivant a fait un apport de fonds pour l’achat du bien. Aux fins de l’impôt canadien, il n’y aura pas de disposition réputée avant le décès du conjoint survivant.4 Ce qui pourrait poser des problèmes au chapitre du crédit pour impôt étranger si des droits successoraux américains sont dus.

Compte tenu des difficultés en ce qui concerne les droits successoraux et l’impôt sur les dons aux États-Unis, la propriété conjointe n’est généralement pas recommandée si le particulier a vraisemblablement des droits successoraux américains à payer. De plus, la tenance conjointe ne permettrait pas au conjoint d’effectuer une planification testamentaire et successorale adéquate aux fins des droits successoraux américains.

Une solution de rechange à la tenance conjointe réside dans la propriété d’un bien en tenance commune (« tenants in common »). Ainsi, chaque conjoint pourrait faire une planification testamentaire pour protéger sa participation de 50 %.

Fiducie discrétionnaire canadienne

Si l’assujettissement aux droits successoraux ne peut être réduit par la propriété personnelle et la planification testamentaire, le particulier peut envisager de constituer une fiducie familiale discrétionnaire canadienne pour détenir le bien. Ce type de planification présente deux principaux avantages :

  • les droits successoraux américains peuvent être évités au décès du particulier et de son conjoint;
  • si le bien est vendu, toute plus-value sera imposée aux mêmes taux des gains en capital que si le bien était détenu personnellement.

Cette structure intéressera généralement les Canadiens pour les achats de biens plus importants qui ne représentent cependant pas une partie importante de leur avoir net. C’est que le particulier doit être prêt à renoncer au contrôle des biens de la fiducie au bénéfice de son conjoint et de ses enfants. De plus, à cause des règles fiscales canadiennes, la fiducie devra probablement cesser d’exister avant son 21e anniversaire. Cette structure n’intéressera sans doute pas les familles plus jeunes.

Hypothèque sans recours

Une hypothèque sans recours peut représenter une solution de rechange si le bien est déjà la propriété d’un résident canadien (qui n’est pas un citoyen américain). L’hypothèque sans recours n’est recouvrable que sur le bien visé et non sur les autres actifs du particulier. 

Aux fins des droits successoraux américains, la valeur d’une hypothèque sans recours réduit la valeur du bien. Par exemple, si Jacques obtenait une hypothèque sans recours de 1 M$, son patrimoine imposable serait réduit à 500 000 $. Ainsi, son assujettissement aux droits successoraux américains diminuerait à environ 8 273 $ en 2018. 

Il est peu probable qu’une banque commerciale soit prête à prêter plus de 50 % ou 60 % de la valeur du bien immeuble américain. Il apparaît donc improbable de pouvoir éliminer la valeur totale du bien par l’obtention d’une hypothèque sans recours d’un prêteur sans lien de dépendance.

Il est possible de réduire les coûts du financement si l’hypothèque est structurée dans le but d’obtenir une déduction d’intérêt au Canada. Le produit de l’hypothèque ne peut donc servir à l’acquisition d’une résidence secondaire aux États-Unis, mais plutôt à l’achat de placements productifs de revenus.

Autres options

D’autres options sont disponibles, notamment : 

  • la propriété par l’intermédiaire d’une société canadienne;
  • la propriété par l’intermédiaire d’une société de personnes qui est considérée comme une société aux fins fiscales américaines;
  • le don du bien à un organisme de bienfaisance enregistré américain.

L’utilisation d’une société canadienne peut poser problème parce que l’actionnaire pourrait bénéficier d’un avantage imposable à moins qu’un loyer à la juste valeur locative ne soit payé. 

Nous vous encourageons à envisager ces options avant de conclure un contrat d’achat. De nombreuses techniques de planification ne peuvent plus être utilisées une fois que le bien est acheté à cause des conséquences au chapitre de l’impôt américain sur les dons associées au transfert d’un bien immeuble américain.

Exemples : Droits successoraux américains

 

Exemple 1

Exemple 2

Exemple 3

Exemple 4

Exemple 5

Exemple 6

Exemple 7

Exemple 8

Valeur du bien américain

1 000 000 $

2 000 000 $

Valeur de la succession mondiale

10 000 000 $

15 000 000 $

20 000 000 $

30 000 000 $

10 000 000 $

15 000 000 $

20 000 000 $

30 000 000 $

Droits successoraux américains

Avec crédit unifié

0 $

50 747 $

124 510 $

198 273 $

0 $

155 693 $

303 220 $

450 747 $

Avec crédit pour conjoint

0 $

50 747 $

0 $

155 693 $

[1.]  Ce bulletin porte sur les questions fiscales qui se posent aux résidents canadiens qui ne sont pas des résidents ou des citoyens des États-Unis.

[2.]  L’American Taxpayer Relief Act of 2012 établit un montant d’exonération de 5 M$ et indexe ce montant sur l’inflation annuellement. L’Internal Revenue Service (IRS) a annoncé que le montant d’exonération indexé est de 5,60 M$ pour 2018. La Tax Cuts and Jobs Act a doublé le montant de l’exonération initial, qui est passé de 5 M$ à 10 M$, indexé à 11,2 M$ pour 2018.

[3.]  Les droits successoraux américains sur des actifs de 11,2 M$ sont de 4 425 800 $. Comme il est mentionné à la note 2, les récentes modifications apportées à la législation fiscale américaine ont doublé l’exonération des droits successoraux, la faisant passer de 5 M$ à 10 M$; le montant indexé sur l’inflation pour 2018 est de 11,2 M$.

[4.]  Le régime fiscal canadien permet le transfert libre d’impôt au conjoint des actifs légués par testament au conjoint survivant ou à une fiducie au bénéfice du conjoint.

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Martin Olivier Boiteau

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Associé directeur, PwC Canada

Jean-François Thuot

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